Auteur/autrice : Laurent DEVERNAY

Après avoir travaillé plus de 15 ans dans le développement web, Laurent Devernay est devenu consultant technique en numérique responsable chez Greenspector. Quand il n'accompagne pas des structures sur l'écoconception de leurs services numériques, il dispense des cours autour du numérique responsable.

Quelle est la corrélation entre écoconception et sobriété éditoriale ?

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Une démarche d’écoconception de services numériques ne peut réussir qu’en impliquant tous les acteurs du projet sur toutes les étapes du cycle de vie de celui-ci.
Parfois, malgré tous les efforts mis en œuvre pour appliquer les principes de l’écoconception lors de la réalisation d’un site web, les impacts environnementaux peuvent augmenter à cause d’éléments externes au périmètre défini. En particulier, il est indispensable d’embarquer celles et ceux qui vont produire du contenu sur le site. Pour cela, tout n’est pas si simple. Certaines bonnes pratiques peuvent être automatisées techniquement tandis que d’autres nécessitent de garder en tête l’ensemble des contenus proposés ainsi que leur pérennité.

Cet article propose des bonnes pratiques visant à faciliter la gestion des contenus dans une optique de réduction des impacts (environnementaux et autres) des contenus proposés.

Pour aller plus loin 

Le sujet a déjà été largement abordé par Ferréole Lespinasse : https://www.sobriete-editoriale.fr/  

Le référentiel de l’INR (Institut du Numérique Responsable) propose une catégorie dédiée aux contenus : https://gr491.isit-europe.org/?famille=contenus  

De même pour le RGESN (Référentiel Général d’Ecoconception de Services Numériques) : https://ecoresponsable.numerique.gouv.fr/publications/referentiel-general-ecoconception/#contenus 

Bonnes pratiques de sobriété éditoriale 

Intégrer le moins de contenu non-textuel possible 

Contexte  

Chaque contenu intégré va générer des requêtes et transferts de données. Il est donc important d’en intégrer le moins possible, tout en veillant à maintenir l’attractivité des publications.  Une fois qu’il ne reste que les contenus indispensables, il est nécessaire d’intégrer chacun d’entre eux de façon aussi efficiente que possible (voir plus loin).  

Le plus souvent, niveau impact : vidéo > podcast > image animée > image statique > texte   

Attention, les images animées de type GIF peuvent avoir une taille très conséquente et poser des problèmes d’accessibilité. 

Le MOOC de l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) propose une activité très simple pour comprendre ces impacts

Comment ?  

  • Limiter le nombre de contenus, en tenant compte de leurs impacts respectifs 
  • Éviter autant que possible les contenus purement décoratifs (par exemple, les images de stock ou carrousels) 
  • Garder en tête l’accessibilité  

Réduire le poids des vidéos 

Contexte  

D’autant plus à l’heure des réseaux sociaux, la vidéo est souvent privilégiée comme canal de communication.  

Aujourd’hui, la vidéo représenterait 60% des flux mondiaux de données.  

Comment ?  

Réduire le poids des fichiers audio 

Contexte  

Notamment avec les podcasts, les contenus audios se multiplient sur le web.  

Comment ?  

  • Privilégier les formats MP3, OGG ou AAC 
  • Utiliser des fichiers audios aussi concis que possible 
  • Plutôt que d’intégrer directement le contenu sur la page, intégrer une vignette cliquable menant à celui-ci 

Réduire le poids des images 

Contexte  

Au global, sur les pages web, les images sont à l’origine de la majorité des données transférées [EN].  

Comment ?  

  • Privilégier le format Webp et autres formats adaptés pour le web  
  • Proposer des images avec une taille et une qualité adaptée aux terminaux des utilisateurs 
  • Optimiser les images via un outil (exemple : Squoosh)  
  • Charger du texte par défaut et l’image seulement à la demande  

Tutoriel (en anglais) sur l’optimisation des images

Limiter l’impact des contenus tiers 

Contexte  

Il est facile d’intégrer des contenus provenant d’autres sites (vidéos Youtube/Dailymotion, messages ou fils Twitter/Facebook/Instagram/etc.).  

Leur intégration directe entraîne souvent de nombreuses requêtes (notamment des trackers) et données transférées.  

Comment ?  

Adopter une gestion sobre des publications 

Contexte  

Au-delà de la conception de chaque publication, il est important de garder en tête l’ensemble des publications disponibles. L’objectif ici est de garder du contenu pertinent et à jour. L’intérêt est d’éviter que le contenu ne soit noyé dans la masse, ce qui permet au passage d’améliorer le référencement naturel. 

Comment ?  

  • S’appuyer sur des indicateurs concrets : nombre de visites, nombre d’arrivées sur le site via cette page, taux de rebond, etc.  
  • Mettre à jour les publications plus anciennes qui restent intéressantes. Éventuellement en profiter pour changer le format : la vidéo devient un article  
  • Combiner les publications proches par leurs thèmes : des articles informatifs sont agrégés en un article de référence  
  • Supprimer les publications qui ne sont plus vues ou plus pertinentes (contenu obsolète ou relatif à des événements passés) 

Pour aller plus loin, il est également envisageable de :  

  • Définir une date d’expiration pour les publications créées (exemples : contenu chaud VS contenu froid, date de dépublication pour du contenu temporaire)  
  • Auditer les publications d’un site [EN] 
  • Publier le contenu de façon raisonnée et pertinente, notamment pour sa diffusion sur les réseaux sociaux et dans des newsletters. Ces dernières doivent elles-mêmes faire l’objet d’une démarche d’écoconception et de mise en accessibilité. Ce sujet pourrait à lui seul faire l’objet d’un article 

Proposer des libellés explicites pour les liens 

Contexte 

Lors de la navigation dans des contenus, il est fréquent de rencontrer des liens qui viennent enrichir le contenu en question. Afin d’éviter des mauvaises surprises pour les utilisateurs, les libellés de ces liens doivent être aussi explicites que possible. L’intérêt pour l’expérience utilisateur est évident mais il est également question ici d’éviter à l’utilisateur de charger du contenu qui ne lui est pas utile ou que son terminal ou sa connexion internet ne lui permettent pas d’utiliser dans de bonnes conditions. 

Les critères pour cette bonne pratique sont pour la plupart issus des règles OPQUAST (OPen QUality STandards). Il convient ici d’insister à nouveau sur la nécessité de proposer des liens (mais aussi plus généralement des contenus) accessibles. 

Comment ? 

Conclusion 

Nous avons évoqué ici ce qui peut être fait pour s’assurer de proposer du contenu aussi léger que possible. Si certaines actions reposent principalement sur les contributeurs, il est important à terme que les outils de gestion de contenu tels que les CMS (Content Management System) intègrent des outils pour assister les contributeurs. Il peut s’agir par exemple d’automatiser certaines optimisations techniques, de visualiser les impacts environnementaux du contenu produit mais aussi de faciliter la mise en place d’une démarche plus globale de gestion de contenu (expiration des documents, visualisation des consultations, etc.). Certains éditeurs ont déjà pris l’initiative d’entamer une telle démarche, il reste à espérer que celle-ci deviendra systématique. 

Le cadre législatif de l’écoconception de services numériques  

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En France, depuis plusieurs années, l’accessibilité des services numériques dispose d’un cadre législatif (amorcé dans l’article 47 de la loi 2005-102 du 11 février 2005 et précisé dans le décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019). Celui-ci s’articule principalement autour du RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité). L’écoconception de services numériques, discutée en France depuis plus de 15 ans, a pris un essor considérable ces dernières années. Pour autant, le sujet peine encore à s’imposer voire même à se dessiner de façon précise dans les structures. Le cadre législatif se précise depuis 2021 et devrait permettre ces prochaines années à l’écoconception de services numériques de s’imposer. L’objectif de cet article est justement de tâcher d’y voir un peu plus clair. 

Petit rappel d’usage 

L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) et l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) travaillent conjointement sur les impacts environnementaux du numérique. Leurs travaux couvrent notamment l’estimation de ces impacts à l’échelle de la France ainsi que les bonnes pratiques et perspectives. Ces éléments peuvent notamment être trouvés ici : https://www.arcep.fr/nos-sujets/numerique-et-environnement.html  

L’écoconception peut se définir comme une démarche d’intégration de la réduction des impacts environnementaux dès la conception d’un service numérique avec une vision globale sur l’ensemble du cycle de vie, via l’amélioration continue. 

Un service numérique est un ensemble de ressources humaines, logicielles et matérielles nécessaires à la mise à disposition d’un service.  

En conséquence (mais nous y reviendrons dans un article ultérieur), parler d’un site web écoconçu peut être perçu comme un abus de langage. Dans le cadre d’une démarche d’écoconception, il faudrait s’intéresser à l’ensemble des services numériques du site (ou a minima à un échantillon représentatif), via l’amélioration continue et en couvrant toutes les étapes du cycle de vie du projet. Tout ceci va donc bien plus loin que la simple mesure d’un échantillon de pages sur un site déjà en ligne.  

Les lois 

Pour la France, on distingue aujourd’hui principalement 2 lois : la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) et la loi REEN (Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique). 

La loi AGEC aborde succinctement le sujet mais cette exigence ne semble pas avoir encore été traitée de façon exhaustive. Voir à ce propos le Guide pratique pour des achats numériques écoresponsables de la Mission interministérielle Numérique Écoresponsable. 

Même si certains éléments nécessitent encore d’être précisés, la loi REEN va plus loin en mentionnant (entre autres) :  

  • La nécessité de former à l’écoconception de services numériques les élèves ingénieurs dans des parcours liés au numérique. Mais aussi une sensibilisation à la sobriété numérique dès le plus jeune âge. 
  • La création d’un observatoire des impacts environnementaux du numérique, via l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) et l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse).  
  • Un référentiel général d’écoconception de services numériques pour fixer des critères de conception durable des sites web à mettre en œuvre dès 2024. L’ARCEP a depuis confirmé que ce référentiel se baserait sur le RGESN (Référentiel général d’écoconception de services numériques) : https://www.arcep.fr/actualites/actualites-et-communiques/detail/n/environnement-091023.html Une consultation publique, lancée en octobre 2023, a pour objectif de consolider ce référentiel et les pratiques autour de celui-ci afin d’élargir son adoption dès début 2024.
  • La lutte contre les différentes formes d’obsolescence ainsi que des actions en faveur du réemploi et de la réutilisation.  
  • Réduire les impacts des centres de données (notamment via le suivi de l’efficacité de la consommation d’énergie et d’eau) et des réseaux. Le décret est aujourd’hui en cours de publication
  • Imposer aux communes et groupements de communes de plus de 50 000 habitants d’établir et mettre en place une stratégie Numérique Responsable d’ici 2025. Cette stratégie doit notamment inclure des éléments relatifs à l’écoconception de services numériques. Des guides ont été publiés pour établir cette stratégie, en particulier celui-ci : https://www.interconnectes.com/wp-content/uploads/2023/06/web-Guide-methodologique_V8.pdf  

 Tout ceci s’accompagne de la mise en place du HCNE (Haut Comité pour le numérique écoresponsable), de différentes feuilles de route ainsi que d’une stratégie d’accélération numérique écoresponsable. Tout ceci est détaillé sur cette page : https://www.ecologie.gouv.fr/numerique-responsable 

Et maintenant ? 

Une fois tous ces éléments définis se pose la question de ce qu’il reste à faire.  

En 2024, la loi REEN imposera aux sites web publics d’être conçus de façon durable. En 2025, les collectivités de plus de 50 000 habitants devront avoir intégré cette dimension dans leur Stratégie Numérique Responsable.  

Greenspector est positionné depuis plusieurs années sur le sujet de l’écoconception de services numériques. Cette évolution du cadre législatif coïncide avec notre implication de plus en plus tôt dans les projets, parfois même dès l’expression du besoin. Ceci nécessite forcément de faire évoluer les pratiques, entre autres par la mise en place d’ateliers d’idéation prenant en compte l’empreinte environnementale d’un service. De plus en plus souvent, le RGESN sert de référence pour piloter la démarche tout au long du projet. Ce référentiel est idéal pour ce type d’accompagnement mais cela permet aussi de réunir des éléments permettant de piloter l’écoconception en tant que démarche d’amélioration continue.   

Cette façon de repenser l’accompagnement en écoconception de services numériques permet aussi d’aller vers des leviers plus importants de réduction des impacts et d’impliquer davantage de types de profils sur les projets accompagnés.  

Alors que la démarche s’amorce auprès d’institutions publiques, il reste à espérer que les entreprises suivront le même chemin. Certaines ont d’ailleurs déjà entamé les démarches de mise en conformité RGESN. Pas seulement par anticipation d’un éventuel changement de cadre législatif les concernant mais aussi parce que ce référentiel fournit un cadre à la démarche d’écoconception qui était attendu depuis longtemps.  

Afin de soutenir tous ces efforts, des aides financières sont disponibles, aussi bien pour les entreprises que pour les collectivités

Sur l’ensemble des sujets évoqués ici, la France a pris beaucoup d’avance. Il reste à en faire profiter les autres pays qui voudraient à leur tour s’engager dans une telle démarche. Le W3C (World Wide Web Consortium) a sorti en septembre ses WSG (Web Sustainability Guidelines). Elles sont désormais en consultation publique en vue d’avancer encore plus loin sur le sujet et peut-être à terme établir des standards pour le web. Elles s’accompagnent également de réflexions autour de la meilleure façon d’introduire des leviers directement au niveau des institutions. En Europe, certains se fédèrent autour de structures semblables à l’INR, notamment la Belgique et la Suisse. Il reste à espérer que le RGESN et autres éléments actuellement mis en place en France pourront être adaptés à d’autres pays. 

Quel est l’impact environnemental d’ouvrir ou non les liens dans un autre onglet ?

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Introduction

Les plus anciens se souviennent peut-être d’une époque lointaine où les navigateurs ne proposaient pas encore d’ouvrir du contenu dans plusieurs onglets. L’apparition de cette possibilité a fait naître un débat qui n’a jusque-là pas trouvé de réponse définitive : faut-il ou non ouvrir les liens par défaut dans un autre onglet ?

Les chiffres clés

Les résultats obtenus pour l’ouverture des liens dans un autre onglet sont synthétisés ainsi :  
L’impact global est de 1.9 gCO2eq, 0,4 L d’eau consommée et 4.1 cm2 d’occupation des sols.  

Les résultats obtenus pour l’ouverture des liens dans le même onglet sont synthétisés ainsi :  
L’impact global est de 1.8 gCO2eq, 0,3 L d’eau consommée et 3.9 cm2 d’occupation des sols. 

Sur un site web, le comportement par défaut lors du clic sur un lien est de l’ouvrir dans l’onglet où se trouve déjà l’internaute. Pour revenir à la page initiale, le plus simple est donc d’utiliser la fonctionnalité de retour en arrière du navigateur (ou celle du téléphone). Ceci peut être vu par certains internautes comme un désagrément. Au moins deux solutions sont possibles :  

  • Côté utilisateur : garder la touche Ctrl appuyée pour ouvrir le lien dans un autre onglet ou cliquer avec la roulette de la souris ou autre 

Dans tous les cas, target=”_blank” doit s’accompagner d’attributs supplémentaires pour des raisons de sécurité, de la façon suivante :  

<a href=”https://greenspector.com/fr/le-petit-bout-de-la-lorgnette/” target=”_blank” rel=”noopener noreferrer”> 

Les valeurs “noopener” (https://html.spec.whatwg.org/multipage/links.html#link-type-noopener [EN]) et “noreferrer” (https://html.spec.whatwg.org/multipage/links.html#link-type-noreferrer [EN]) permettent de s’assurer des informations de contexte ne sont pas transmises au clic sur le lien. En apparence redondantes, elles sont ici mentionnées ensemble afin de prendre en charge certains navigateurs (très) anciens : https://stackoverflow.com/a/57630677 [EN]. 

La discussion sur le fait d’ouvrir ou non les liens dans un autre onglet (ou dans une autre page) ne date pas d’hier et les arguments sont nombreux. On en retrouve une bonne partie ici : https://www.badsender.com/en/2023/01/27/target-blank-links-email/ [EN] 

Du point de vue des impacts environnementaux, il y a également matière à discussion. Ouvrir dans un autre onglet pourrait conduire à multiplier inutilement les onglets ouverts, donc à augmenter les impacts environnementaux (en sollicitant davantage le terminal). Inversement, ouvrir le lien dans la même page pourrait rallonger le parcours utilisateur sur le site d’origine en risquant de lui faire perdre sa progression après être revenu en arrière (saisie d’informations, lecture en cours d’un article, etc).  

Comme toujours, il est important de revenir aux vraies raisons qui motivent ce choix, notamment s’il s’agit d’améliorer les statistiques de son propre site en le gardant ouvert pendant que l’utilisateur explore d’autres liens (ce qui n’est pas une bonne façon de faire). 

À défaut de trouver la réponse idéale à cette problématique, nous avons décidé d’avoir recours à la mesure pour apporter un éclairage supplémentaire.  

Méthodologie 

Une page de test aussi sobre que possible a été créée. Elle comporte deux liens menant vers la même page. Le premier s’ouvre dans le même onglet, le deuxième dans un autre onglet.  

En vue de la mesure, deux scripts GDSL ont été créés pour automatiser le parcours et effectuer les mesures :  

  • Un script qui consiste à cliquer sur le lien qui s’ouvre dans un autre onglet puis revenir au premier onglet (trois fois de suite) 
  • Un script qui consiste à cliquer sur le lien qui s’ouvre dans le même onglet puis revenir en arrière via le navigateur directement (trois fois de suite) 

Dans chacun de ces parcours, on retrouve les mêmes étapes :  

  1. Chargement de la page de test 
  1. Pause de 30s sur la page de test 
  1. Chargement de la page destination (clic sur le lien) 
  1. Pause de 30s sur la page destination 
  1. Retour en arrière 
  1. Pause de 30s sur la page d’origine 

    Les étapes 3 à 6 sont répétées 3 fois chacune, dans cet ordre.  

Dans tous les cas, la page de destination du lien est la même. L’idée était ici de choisir une page légère mais avec suffisamment de contenu pour que les mesures soient significatives. Nous avons donc choisi un article du blog Greenspector : https://greenspector.com/fr/le-petit-bout-de-la-lorgnette/ Au-delà de la première itération, le cache limite les requêtes effectuées en s’appuyant sur les éléments stockés côté client (comme pour toute page web pour peu qu’elle soit correctement configurée). 

Les mesures sont effectuées sur la dernière version en date du navigateur Chrome sur un téléphone Samsung S9 avec la luminosité réglée à 50%, en WIFI. Une dizaine d’itérations de mesures ont été effectuées pour chaque script.  

Les mesures ont été effectuées entre le 24 et le 29 août 2023. Suite à ces mesures, un dashboardcampagne (agrégation des données issues des outils Greenspector) a été généré, notamment pour pouvoir comparer les étapes de mesure et calculer un Ecoscore global basé sur les scores de Performance, Données transférées et Energie.  

En vue de la projection environnementale, on pose les hypothèses suivantes :  

  • 100 % des utilisateurs et serveurs en France 
  • 100% de serveurs complexes 
  • 51% des utilisateurs sur smartphone, 3% sur tablette, 46% sur PC (stats moyennes pour la France

Résultats 

Les résultats obtenus pour l’ouverture des liens dans un autre onglet sont synthétisés ainsi :  

L’impact global est de 1.9 g CO2e, 0,4 L d’eau consommée et 4.1 cm2 d’occupation des sols.  

Les résultats obtenus pour l’ouverture des liens dans le même onglet sont synthétisés ainsi : 

L’impact global est de 1.8 g CO2e, 0,3 L d’eau consommée et 3.9 cm² d’occupation des sols. 

Dans un premier temps, il apparaît donc que l’ouverture des liens dans le même onglet est légèrement plus avantageuse d’un point de vue environnemental. En particulier, il apparaît que le parcours est beaucoup plus court lors de l’ouverture dans le même onglet. En effet, il est plus facile de revenir en arrière via le bouton présent sur les téléphones Android que de passer par la liste des onglets ouverts.  

On peut supposer que le fait de garder des onglets ouverts soit davantage impactant du point de vue de la batterie du téléphone. Creusons désormais cela plus en détail.  

Le diagramme suivant présente la consommation énergétique des différentes étapes :  

En bleu, on trouve l’ouverture de liens dans un autre onglet. En noir, l’ouverture dans le même onglet.  

Les étapes du parcours avec ouverture de liens dans le même onglet sont quasi systématiquement moins impactantes. En particulier, ceci est vrai pour les étapes de pause, ce qui semble confirmer l’impact des onglets multiples ouverts lors d’une pause sur l’onglet courant. On retrouve ici le fait que le retour en arrière est beaucoup plus simple via le bouton du téléphone que via la liste des onglets.  

Pour l’ensemble des étapes mesurées, on constate très peu de données transférées. Toutefois, pour un utilisateur ayant recours au retour en arrière, il est important de bien intégrer le bfcache (https://web.dev/bfcache/ [EN]). Cette optimisation des navigateurs permet de fluidifier les retours en arrière et en avant. 

Conclusion 

Si l’on se base sur les métriques et projections environnementales pour le cas de test choisi ici, il apparaît plus avantageux d’ouvrir par défaut les liens dans le même onglet. Il faut en revanche bien garder en tête qu’il ne faut pas que l’internaute perde ainsi sa progression (saisie en cours ou lecture d’une page longue, par exemple). De plus, en vue d’un retour arrière ultérieur, le bfcache doit être correctement implémenté. Dans ce cas, libre à l’utilisateur s’il le souhaite d’ouvrir malgré tout le lien dans un autre onglet via les raccourcis mis à sa disposition. Il reste néanmoins indispensable d’informer sur le comportement des liens s’il ne s’agit pas du comportement par défaut (ainsi que de la langue de la page destination si elle diffère de la page d’origine). Pour conclure, n’oublions pas que l’accessibilité et la qualité (telle que mise en œuvre via les règles d’Opquast) doivent rester une priorité lors de l’intégration de liens.  

Classement 2023 des impacts environnementaux des sites web de 31 écoles d’informatique

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Introduction

En mars 2022, nous vous proposions un classement des sites web des 187 grandes écoles et universités. Concernant les écoles d’ingénieur françaises, il en ressortait les résultats suivants : 

Quitte à se focaliser sur les écoles d’informatique, mentionnons la loi REEN (Réduction de l’empreinte environnementale du numérique) : https://www.vie-publique.fr/loi/278056-loi-15-novembre2021-reen-reduire-empreinte-environnementale-du-numerique#faire-prendre-conscience-de-limpact-environnemental-du-num%C3%A9rique 

Cette loi impose en effet, depuis quelques mois déjà, d’intégrer un module sur l’écoconception de services numériques dans les formations d’ingénieur en informatique. À ce jour, le module en question ne semble pas avoir été intégré dans toutes les écoles mais des ressources peuvent d’ores et déjà y aider :  

Ce sujet est essentiel. Un nombre croissant d’entreprises cherchent spécifiquement à recruter des profils au fait de l’écoconception et la demande est de plus en plus forte chez les étudiants.  

Afin de créer le classement des sites web des écoles d’informatique, nous avons fait le choix de nous appuyer sur le classement suivant : https://etudiant.lefigaro.fr/etudes/ecoles-ingenieurs/classement-informatique/  

Nous sommes donc partis sur un échantillon de 31 sites d’écoles.  

Les mesures ont été effectuées en septembre 2023, via un benchmark sur les pages d’accueil de chacun de ces sites. Ceci ne saurait en aucun cas témoigner des impacts de l’ensemble du site ni des engagements environnementaux des établissements mais permet déjà d’avoir un premier point d’entrée.

Des erreurs sont survenues pour la mesure de deux sites :  

En conséquence, ces sites ont été retirés du classement. Nous avons toutefois noté les éléments suivants :  

  • Le site de l’INSA Toulouse a bénéficié d’une refonte depuis notre classement de 2022. Il en ressort une réduction des données transférées et, a priori, une réduction des impacts sur les terminaux des utilisateurs. Pour autant, a minima, quelques optimisations rapides sont encore possibles.  
  • Le site de Télécom Nancy apparaît plutôt lourd, notamment en raison du manque d’optimisation de certains contenus mais surtout d’un manque de sobriété (dont témoigne par exemple l’intégration de plusieurs contenus de réseaux sociaux).

En savoir plus sur la méthodologie et comment Greenspector évalue l’empreinte environnementale d’un service numérique. 

Différentes hypothèses ont été prises pour la projection environnementale :  

  • 100 % des utilisateurs et serveurs localisés en France 
  • 50% sur smartphone 
  • 3 % sur tablette 
  • 47 % sur PC 

Synthèse et chiffres clés 

Suite aux mesures et à la projection environnementale, nous obtenons le classement suivant (en triant par impact GES) : 

URLEcoscore GlobalRequêtes HTTPEnergie (mAh)Données (Mo)Impact GES (gEqCO2)Empreinte Eau (L)Empreinte sol (cm_)
https://www.cpe.fr/61695,762,130,770,131,46
https://www.cesi.fr/72314,633,350,790,141,54
https://www.efrei.fr/61625,302,130,840,151,62
https://www.insa-centrevaldeloire.fr/fr/58864,523,020,840,141,53
https://www.isima.fr/73754,852,130,850,151,61
https://www.polytech.universite-paris-saclay.fr/62365,072,280,850,151,70
https://www.utt.fr/57455,163,440,870,151,68
https://www.esiee.fr/65945,251,780,890,151,67
https://www.esiea.fr/60555,652,210,900,161,76
https://www.insa-rouen.fr/66814,684,000,920,161,69
https://www.3il-ingenieurs.fr/52325,961,510,930,171,90
https://polytech.univ-cotedazur.fr/53534,976,060,960,161,75
https://www.ensiie.fr/50905,295,920,980,161,72
https://www.insa-lyon.fr/541315,144,010,980,161,71
https://enseirb-matmeca.bordeaux-inp.fr/fr50905,427,121,020,171,77
https://www.polytech-lille.fr/43586,295,901,110,192,07
https://www.enseeiht.fr/fr/index.html381035,476,241,120,191,99
https://www.sup-galilee.univ-paris13.fr/48576,842,041,140,202,28
https://ensimag.grenoble-inp.fr/391005,8011,871,220,202,01
https://www.polytech.sorbonne-universite.fr/42726,424,401,240,222,39
https://isen-mediterranee.fr/471286,2410,591,280,212,11
https://www.ensicaen.fr/40538,023,011,280,232,58
https://www.isep.fr/361106,2619,821,420,222,12
https://polytech.univ-tours.fr/40985,9228,491,520,222,04
http://www.enssat.fr/51645,8239,191,570,211,82
https://www.utbm.fr/262827,5213,731,660,262,49
https://www.utc.fr/2013910,9018,842,060,343,50
https://www.epita.fr/367113,894,892,120,384,30
https://cytech.cyu.fr/46695,9967,852,140,261,97

On remarque ici que les métriques ont tendance à être plutôt élevées. Un calcul rapide des moyennes vient confirmer cela :  

  • Ecoscore global : 48,9 
  • Requêtes HTTP : 83,93 
  • Énergie (mAh) : 6,16  
  • Données transférées (Mo) : 9,83 

Selon le site HTTP Archive (à partir d’un échantillon de plusieurs millions de sites web mesurés régulièrement), la moyenne globale sur mobile est de 67 requêtes HTTP et 2,18 Mo (source : https://httparchive.org/reports/page-weight [EN]). Les moyennes pour les sites mesurés ici sont donc bien au-dessus, en particulier pour le poids moyen des pages qui est dans notre cas 4 fois plus élevé. Il semble donc y a voir un souci global pour ce qui est de l’application des principes de sobriété numérique.

Inversement, la page la plus légère (3IL) nécessite le transfert de 1,51 Mo de données (et 32 requêtes HTTP). Ceci en fait un site tout de même assez lourd.  

Nous verrons dans un premier temps les 3 sites les mieux notés puis les 3 sites les moins bien notés. L’idée n’est pas de les explorer de façon exhaustive mais de fournir quelques éléments raîdes d’analyse.

Le Top 3 

CPE

A première vue, la page d’accueil apparaît plutôt légère et sobre. Elle présente peu d’erreurs d’accessibilité, en-dehors de plusieurs soucis de contraste de couleurs.  

On déplore toutefois l’intégration d’un chatbot qui apparaît au bout de quelques instants sous forme de popup.  

CESI

La volonté de sobriété apparaît clairement à la consultation du site : peu d’images, des aplats de couleurs et un focus sur l’expérience utilisateur.  

Il est d’autant plus regrettable que le manque d’optimisation des images augmente considérablement le poids de la page. En particulier, deux d’entre elles font plus d’1 Mo. Il serait également intéressant, dans un second temps, d’optimiser les polices de caractères. Voir notre article à ce sujet.  

EFREI 

Ce site apparaît plutôt lourd, notamment en termes d’images (qui ne sont pas toutes suffisamment optimisées) et via l’intégration de nombreux fichiers pour les polices. En résumé, même si le site est ici bien classé, il n’est pas exempt de défauts.

Le Flop 3 

CY Tech 

Tout d’abord, on constate que la page met beaucoup de temps à charger.  

Le volume de données transférées fournit déjà une première piste d’explication : quasiment 70 Mo en tout ! En regardant de plus près, on compte 14 images pesant plus d’1 Mo, l’une d’entre elles faisant à elle seule plus de 16 Mo. Des efforts de sobriété (mais aussi d’optimisation des contenus) apparaissent donc indispensables. En particulier, le site est très lourd visuellement et peu optimisé pour le mobile. Certaines animations apparaissent superflues (compteurs, parallaxe, etc).  

EPITA 

Le site apparaît relativement peu lourd par rapport aux autres sites du classement.  

Toutefois, on note une importante sollicitation de la batterie du terminal de mesure. L’ouverture du site sur une vidéo en lecture automatique et en boucle explique cela en grande partie, en plus d’être une très mauvaise pratique du point de vue de l’accessibilité. Une autre explication réside dans le grand nombre de services tiers intégrés sur cette page.  

À noter que les images sont cette fois plutôt légères mais trop nombreuses. D’autant plus que certains fichiers sont chargés plusieurs fois.  

UTC 

L’internaute arrive ici directement sur un carrousel en défilement automatique, ce qui reste à éviter aussi bien pour la sobriété que pour l’accessibilité.  

Lors de la mesure de cette page, la durée est limitée à 70s environ. Lorsque l’on reste suffisamment longtemps sur cette page, on arrive à presque 70 Mo transférés pour plus de 600 requêtes. Les requêtes vers Google et Youtube sont très nombreuses.  On découvre lors du défilement de la page de nombreuses vidéos Youtube intégrées directement, d’autres carrousels en défilement automatique mais aussi une vidéo en lecture automatique.  

Afin de visualiser ces requêtes, on a recours ici à une RequestMap (un outil créé par Simon Hearne : https://simonhearne.com/ [EN]) : 

Les requêtes directement liées aux domaines du site sont regroupées en bleu. Toutes les autres correspondent à des services tiers. Même s’ils ne sont pas prépondérants en poids, les services tiers représentent ici plus de la moitié des requêtes. Il serait donc important d’avoir recours à un audit plus poussé sur le sujet afin d’établir un plan d’action portant aussi bien sur la sobriété (limiter le nombre de services tiers) que sur l’efficience (intégrer les services tiers de la façon la moins impactante possible).

Conclusion 

Les sites d’école d’informatique françaises n’apparaissent donc pas particulièrement sobres. Des bonnes pratiques d’écoconception pourraient permettre d’améliorer progressivement la situation. Alors même que ces écoles sont tenues de former leurs étudiants à l’écoconception de services numériques, ce pourrait être l’occasion d’intégrer durablement cette démarche. Ainsi, l’audit du site existant pourrait être intégré dans le module sur l’écoconception proposé aux élèves. Au-delà du fait de réduire les impacts environnementaux de leurs sites web (et de répondre à une obligation légale), ce serait un bon moyen de préparer encore mieux les étudiants au monde du travail.  

  

Publication des Web Sustainability Guidelines du W3C

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Le W3C

Le W3C (World Wide Web Consortium : site officiel https://www.w3.org/ [EN]) est un organisme définissant les standards (tels que les éléments techniques régissant le fonctionnement du langage HTML, par exemple) et lignes directrices du web. Il a été créé par Tim Berners-Lee en 1994. 

Dans le cadre du Numérique Responsable, on connaît notamment le W3C pour la publication des WCAG (Web Content Accessibility Guidelines : https://www.w3.org/WAI/standards-guidelines/wcag/ [EN]). Ces règles pour l’accessibilité des contenus web font référence à l’échelle mondiale. Elles servent en particulier de base pour le RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité : https://design.numerique.gouv.fr/accessibilite-numerique/rgaa/ ), qui sert lui-même de base pour la mise en place de la réglementation sur ce sujet en France.  

Donner un cadre à la sobriété numérique

La sobriété numérique et l’écoconception de services numériques prennent de plus en plus d’importance mais peinent à définir leur cadre d’application. En France, le contexte législatif se précise de plus en plus, en particulier via la loi REEN (Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique : https://www.vie-publique.fr/loi/278056-loi-15-novembre2021-reen-reduire-empreinte-environnementale-du-numerique ) et le RGESN (Référentiel Général d’Ecoconception de Services Numériques : https://ecoresponsable.numerique.gouv.fr/publications/referentiel-general-ecoconception/ ).  

Nous reviendrons très prochainement sur ce cadre législatif pour vous en proposer une synthèse ainsi que des perspectives.  

Toujours est-il que nous avons accueilli avec beaucoup d’enthousiasme l’annonce par le W3C de leur intention de travailler sur le sujet de l’écoconception de façon concrète (https://www.w3.org/community/sustyweb/2022/04/19/sustainability-recommendations-working-group/ [EN]). J’ai d’ailleurs eu la chance de prendre part à ce groupe de travail (avec Thierry Leboucq). L’objectif était de produire des guidelines (lignes directrices) pour pouvoir par la suite définir des standards. C’était l’occasion de faire quelques belles rencontres et de confronter les pratiques de sobriété numérique avec des experts du monde entier. Bravo à Tim Frick et Alexander Dawson pour avoir encadré tout cela, ainsi qu’à tous ceux qui ont contribué aux sous-groupes dédiés à des thématiques précises :  

  • UX Design 
  • Web Development 
  • Hosting & Infrastructure (dont j’assurais le suivi) 
  • Product & Business Strategy 
  • Metrics 

La sortie officielle d’une première version des Web Sustainability Guidelines ouvre ces travaux à tous : https://www.w3.org/community/sustyweb/2023/09/07/web-sustainability-guidelines/ [EN]. Vous y trouverez 93 recommandations et 232 critères de succès. Tout ceci s’aligne avec les normes GRI (Global Reporting Initiative : https://www.globalreporting.org/how-to-use-the-gri-standards/gri-standards-french-translations/ ).

Et maintenant ? 

La publication des WSG constitue un jalon historique pour appliquer la sobriété numérique au web. Mais gardons bien en tête que ce n’est que le début. Cette publication a avant tout pour but de récolter les retours des experts puis de voir comment définir ce cadre de façon encore plus précise. Il est aussi souhaitable que ces travaux servent de base pour que le sujet soit adopté plus largement et que des pays puissent s’en servir afin de définir un cadre législatif. Ce socle apparaît également essentiel pour former et sensibiliser sur le sujet mais aussi en tant que support pour des démarches de réduction des impacts environnementaux des sites web.  

Chez Greenspector, nous avons l’intention de continuer à contribuer à ce référentiel, notamment en apportant nos retours, basés sur notre expérience concrète de l’écoconception de services numériques. Très prochainement, ces guidelines seront intégrées aux bonnes pratiques sur lesquelles nous nous appuyons au quotidien, ainsi qu’aux sessions de sensibilisation à l’écoconception que nous proposons.

Ainsi, nous pourrons voir plus en détail comment concilier les WSG avec les référentiels existants (RGESN et RG491 principalement).

 

Quel est l’impact environnemental des jeux sur mobile en 2023 ?

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Précédemment, nous vous avions proposé des classements des jeux vidéo sur mobile :  

Depuis le dernier en date (début 2020), les téléchargements et revenus ont augmenté considérablement. Aujourd’hui, les jeux sur mobile représenteraient la majeure partie des revenus du jeu dématérialisé (source : https://www.statista.com/topics/1680/gaming/#topicOverview [EN]), avec notamment des hausses sans précédent au cours de la pandémie (source : https://www.statista.com/statistics/511639/global-mobile-game-app-revenue/ [EN]).  

Si l’on regarde les jeux sur mobile les plus téléchargés en 2022, on obtient le classement suivant : 

1- Subway Surfers
2- Stumble Guys
3- Roblox
4- Candy Crush
5- Race MAster 3D
6- 8 Ball Pool
7- FIFA Mobile
8- Merge Master – Dinosaur Game
9- Garena Free Fire
10- Bridge Race

Source : https://www.statista.com/statistics/1285134/top-downloaded-gaming-apps-worldwide/ [EN] 

NomNom packageVersion
Subway Surferscom.kiloo.subwaysurf3.16.1
Stumble Guyscom.kitkagames.fallbuddies0.54
Robloxcom.roblox.client2.589.593
Candy Crush Sagacom.king.candycrushsaga1.259.0.1
Race Master 3Dcom.easygames.race4.0.4
8 Ball Poolcom.miniclip.eightballpool5.13.3
FIFA Mobilecom.ea.gp.fifamobile18.1.03
Merge Master - Dinoasaur gamecom.fusee.MergeMaster3.11.0
Garena Free Firecom.dts.freefireth1.100.1
Bridge Racecom.Garawell.BridgeRace3.23

La première chose que l’on remarque par rapport au précédent classement des jeux sur mobile est qu’on retrouve trois jeux : Subway Surfers, Candy Crush Saga et 8 Ball Pool. En termes de téléchargements, Subway Surfers reste en première place du classement.  

En regardant les dépôts d’APK, on note que la fréquence de sortie d’une nouvelle version de l’APK est très variable : au maximum une tous les 15 jours environ pour Candy Crush Saga ou Race Master 3D, au moins une par semaine pour Roblox. Ces mises à jour ont évidemment un impact environnemental. Pour des raisons de simplicité, nous allons ici nous concentrer sur l’impact du leur usage en nous mettant dans les conditions d’un premier lancement du jeu. L’unité fonctionnelle serait donc : “lancer une partie du jeu pour la première fois, sur un appareil mobile Android de milieu de gamme et en WIFI”.  

Ceci nous permettra d’évaluer les impacts environnementaux de ces jeux afin de les comparer. 

Le saviez-vous ?

En 2021, Google a commandé et publié une étude sur l’avenir des jeux sur mobile (https://games.withgoogle.com/reports/beyondreport/ [EN]).  

Si l’intention première était d’évaluer la hausse à venir des revenus engendrés par les jeux sur mobile, il en ressort quelques faits intéressants :  

  • Plus de la moitié des joueurs sur mobile sont des joueuses 
  • 73% des joueurs dépensent de l’argent dans ces jeux 
  • La majorité des joueurs sont en Asie et dans la zone Pacifique 

Méthodologie 

Définition du parcours utilisateur  

Pour la mesure, il était indispensable mais difficile de définir un parcours utilisateur commun à l’ensemble des jeux. Comme indiqué plus haut, la réponse évidente pour nous était un parcours de lancement de l’application puis de lancement d’une partie. Il se trouve que les choses se sont vite compliquées.  

Pour la plupart des jeux étudiés, le premier lancement comprend plusieurs écrans intermédiaires :  

  • Recueil du consentement relatif au RGPD 
  • Saisie de l’âge du joueur 
  • Recueil du consentement lié aux publicités 
  • Création d’un profil ou rattachement à un compte sur un service tiers (Google, Facebook, etc). A ce titre, il serait intéressant ultérieurement d’analyser plus en détail les services tiers utilisés dans chaque jeu.  
  • Chargement de mises à jour du contenu 

Si les trois premiers éléments de la liste ne sont renseignés qu’une seule fois, la mise à jour de contenu peut intervenir inopinément et indépendamment de la mise à jour de l’APK.  

Le rattachement à un compte Google a rendu l’automatisation du jeu Bridge Race trop complexe par rapport au temps que nous avions décidé de consacrer à cette étude, ce qui a poussé à sortir le jeu de l’échantillon étudié ici. En particulier, nous avons constaté des différences de comportement lors du rattachement du profil Google selon le terminal utilisé. Par la suite, nous verrons pour proposer une étude complémentaire s’appuyant directement sur les impacts d’une minute de jeu, via l’outil Freerunner de Greenspector.  

Au final, nous avons tout de même essayé d’automatiser pour chaque jeu le parcours suivant : 

Étape 1 : Lancement de l’application

Étape 2 : Chargement de l’écran titre

Étape 3 : Lancement d’une partie

Entre ces étapes mesurées se sont parfois intercalées des actions de validation de consentement ou de connexion qui n’ont pas été mesurées car absentes de certaines applications. La grande quantité d’éléments à cliquer et d’écrans intermédiaires lors du premier lancement du jeu ont empêché d’aller jusqu’au lancement d’une partie pour FIFA Mobile. Les mesures et calculs présentés ici sont donc en-dessous de la réalité mais ont été conservés afin de mettre en évidence d’autres éléments. 

Dans le cadre de cette étude, les données ont été mesurées entre le 11 et le 16 août 2023 à l’aide de Greenspector Studio. Nous avons utilisé le langage GDSL (Greenspector Domain-Specific Language) pour rédiger des scripts de test, qui reproduisent automatiquement les actions à effectuer sur un téléphone.  Le module Testrunner nous a ensuite permis de réaliser les mesures sur un smartphone Android : nous avons ainsi obtenu les consommations d’énergie et de ressources (mémoire, CPU, données échangées) et les temps de réponse pour chacune des étapes du parcours. Enfin à partir de ces mesures, le modèle d’impacts intégré à Greenspector Studio évalue l’impact environnemental correspondant ainsi que les ecoscores. Pour rappel, dans le cas d’une mesure de parcours utilisateur, l’Ecoscore global se décompose en trois Ecoscores : Performance, Données mobiles et Energie. Chacun est noté entre 0 et 100, 100 étant le meilleur score. Chacun de ces scores s’obtient à partir des notes obtenues par chaque étape de mesure, celles-ci dépendant de seuils. Par exemple, dans le cas des données mobiles pour les étapes de chargement :  

Hypothèses 

Lors de cette évaluation, nous sommes partis d’un premier lancement de l’application. Ceci représente forcément un parcours plus impactant que pour les utilisations ultérieures mais permet de se faire une meilleure idée du fonctionnement du jeu. A noter que, lors de l’utilisation du jeu, il y aura également souvent des mises à jour régulières qui seront elles aussi impactantes.  

Contexte de mesure 

  • Samsung Galaxy S9, Android 10   
  • Réseau : Wi-Fi   
  • Luminosité : 50%  
  • Tests réalisés sur au moins 3 itérations pour fiabiliser les résultats 

Hypothèses retenues pour les projections environnementales 

  • Localisation des utilisateurs : 100% Monde
  • Localisation des serveurs : 100% Monde
  • Appareils utilisés : smartphones uniquement 

L’empreinte environnementale dépend de la localisation des serveurs de l’application, de leur type, de la localisation des utilisateurs et du type d’appareils qu’ils utilisent.  Nous avons étudié l’usage des applications uniquement sur smartphone. Nous sommes également partis du principe que les utilisateurs sont très majoritairement en-dehors de la France, de même que les serveurs.

Résultats 

NomTaille APK (Mo)Données échangées (Mo)Décharge totale de la batterie (mAh)
Subway Surfers177,15,318,3
Stumble Guys19846,444,9
Roblox160,81715,4
Candy Crush Saga92,212,122,3
Race Master 3D182,633,217,1
8 Ball Pool89,907,8
FIFA Mobile180,4161,534,3
Merge Master - Dinoasaur game17526,124,5
Garena Free Fire400,85,719,8
Bridge Race170,9

Tout d’abord, on constate que les APK pour un premier téléchargement font majoritairement entre 160 et 200 Mo, ce qui est déjà très conséquent. Seuls Candy Crush Saga et 8 Ball Pool sont en-dessous avec autour de 90 Mo. Pour Free Fire, on monte à 400 Mo ! 

La durée des usages serait d’un peu plus de 20 min par jour si l’on en croit cette étude de Statista : https://www.statista.com/statistics/1272891/worldwide-game-apps-time-spent-daily-age/ [EN]. L’impact de l’installation et des mises à jour, dans l’hypothèse d’une utilisation quotidienne ou presque, a donc été laissé de côté dans la présente étude. Il est toutefois possible que, dans le cas d’un jeu qui ne serait utilisé que de façon sporadique dans le temps, les mises à jour soient plus impactantes que l’utilisation. Le risque pour l’éditeur du jeu est, dans ce cas, de voir l’utilisateur se désintéresser du jeu. La mise à jour de l’APK peut être gérée au quotidien comme pour les autres applications mobiles mais, ici, c’est la mise à jour du contenu lors du lancement du jeu qui peut devenir problématique. Comme nous l’évoquerons plus loin, tout est fait pour inciter à jouer quotidiennement. 

Au niveau des données transférées pour le premier lancement du jeu, la plupart des jeux demandent quelques Mo supplémentaires. Seul 8 Ball Pool ne demande pas de transfert de données. Inversement, FIFA Mobile, Stumble Guys, Race Master 3D et Merge Master nécessitent le téléchargement de quelques dizaines de Mo. En particulier, FIFA Mobile impose de télécharger plus de 160 Mo, ce qui correspond notamment à la mise à jour du contenu en fonction de l’actualité sportive. Ceci constitue une valeur ajoutée mise en avant par l’éditeur mais une mauvaise pratique du point de vue de la sobriété. Il faudrait dans un premier temps voir comment réduire techniquement la taille des informations nécessaires et, dans l’idéal, limiter la fréquence de rafraîchissement et l’exhaustivité des informations.  

Ces transferts de données conséquentes sont souvent corrélés avec des performances dégradées. Ainsi, pour Stumble Guys et FIFA Mobile, il faut parfois attendre 1 à 2 min pour que s’affiche l’écran qui permet de lancer le jeu. Pour la moitié des jeux, le simple lancement de l’application prend entre 10 et 20s, ce qui est particulièrement long. Pour Roblox, le chargement de l’écran titre (sélection des parties) est rapide, le chargement de contenu étant effectué après sélection de la partie (et généralement assez long). Le lancement le plus long est pour 8 Ball Pool mais, pour ce jeu, aucune donnée n’est transférée et l’impact sur la batterie est relativement faible (en particulier grâce à la faible quantité d’animations). Ce jeu est en définitive celui avec les meilleurs scores. Plus généralement, les scores obtenus sont les suivants :  

On constate que 8 Ball Pool est le jeu avec les meilleurs scores, notamment en raison de ce que l’on vient d’évoquer (peu d’animations, pas de données transférées). En cela, son fonctionnement au lancement se rapproche plutôt de ce que j’aurais tendance à rapprocher des jeux sur mobile “à l’ancienne” : des jeux hors-ligne et relativement simples (sans pour autant aller jusqu’à Snake et autres jeux similaires). A noter que, une fois l’on-boarding de 8 Ball Pool terminé, on revient sur un fonctionnement plus classique avec notamment du jeu en ligne par défaut, ce qui nécessiterait d’être mesuré par ailleurs.  

En comparaison, les autres jeux sont moins bien notés. Seuls Race Master 3D et Subway Surfers sortent un peu du lot. Il en ressort que les jeux étudiés ici ont des scores au mieux autour de la moyenne, à quelques rares exceptions près. Tout ceci peut indiquer des soucis d’efficience ou de sobriété mais est plus probablement à imputer à la nature même de ces applications : de l’animation, des échanges de données mais aussi souvent des mécanismes captologiques à foison. Nous y reviendrons plus tard. 

Pour ce qui est des impacts environnementaux, les calculs aboutissent aux résultats suivants :  

NomEmissions GES en gCO2eEau consommée en LOccupation des sols en cm2
Subway Surfers1,10,11,3
Stumble Guys6,50,63,6
Roblox2,50,21,6
Candy Crush Saga1,90,21,6
Race Master 3D4,40,41,9
8 Ball Pool0,200,6
FIFA Mobile20,11,66,1
Merge Master - Dinoasaur game3,80,42,4
Garena Free Fire1,10,11,3

Les impacts élevés sont ici corrélés à des constats effectués précédemment, en particulier des chargements de données importants qui provoquent une dégradation de la performance et de l’impact sur la batterie du terminal. On retrouve donc pour les impacts les plus élevés FIFA Mobile (très loin devant les autres) mais aussi Stumble Guys et Merge Master. Sans surprise, 8 Ball Pool est là aussi le jeu le moins impactant.

Analyse 

Les mesures effectuées font ressortir certains choix de design qui viennent directement augmenter les impacts environnementaux.  

Comme nous l’avons évoqué précédemment, la longueur des parcours d’onboarding met souvent en évidence trois soucis corrélés : la récolte de données personnelles, la publicité et plus généralement les mécanismes captologiques. Pour rappel, ces derniers visent à faire passer à l’utilisateur le plus de temps possible sur l’application et se retrouvant dans quantité d’applications mais aussi de sites web. Entre autres, les Designers Ethiques s’intéressent beaucoup à cette question. Mais intéressons-nous plus en détail au cas des jeux étudiés ici.  

Le consentement RGPD, celui relatif aux publicités (et parfois la saisie de l’âge) ont pour but d’encadrer un minimum l’affichage, au cours du jeu, de publicités. Il s’agit là bien sûr d’une source de revenus pour les éditeurs de jeux. Celles-ci sont plus ou moins intrusives. Souvent, il est ainsi proposé au joueur de regarder une vidéo publicitaire pour débloquer des récompenses ou pouvoir continuer à jouer. Parfois, il est possible d’acheter le jeu afin de se débarrasser de ces publicités. Le niveau d’attention du joueur le rend plus sensible à ce type de suggestion. Ceci est lié aux mécanismes captologiques.  

Dans le domaine du design (et en particulier de conception des interfaces et interactions utilisateur), on parle depuis plusieurs années déjà de gamification. Il s’agit d’introduire des mécaniques issues des jeux afin de renforcer l’adhésion de l’utilisateur et rendant l’expérience plus ludique. Ceci n’est pas anodin dans la mesure où certains jeux sont très forts pour ce qui est de capter et faire revenir les joueurs. Mais aussi (en poussant la logique un peu plus loin) pour leur faire dépenser leur argent.  

Pour prendre l’exemple (parmi tant d’autres) de Candy Crush Saga, il serait facile de proposer ce jeu sous une forme limitée au jeu lui-même : enchaîner des niveaux plus ou moins difficiles avec pour objectif de faire disparaître des bonbons ou embûches. Les règles et obstacles sont simples et constituent le noyau du jeu en tant que tel. Ici, différents artifices viennent s’ajouter :  

  • Des couleurs vives, effets visuels et sons pour venir augmenter l’impact des actions de l’utilisateur. On parle ici de feedback
  • Des ressources limitées (vies, bonus, etc) pour créer le besoin et surtout le manque. Souvent, il est possible de compléter ces ressources en regardant des vidéos ou en dépensant de l’argent (virtuel ou non). 
  • Des jauges (niveau ou autre), des trophées, des récompenses, des avatars et des scores pour chercher à faire toujours mieux et pouvoir se comparer avec les autres. Ce qui nous amène à un autre élément important de la gamification mais aussi de la captation de l’attention :  
  • Le lien social : voir ce que font les autres, se comparer avec eux, leur permettre de voir ce qu’on fait. De même que pour les réseaux sociaux (et souvent via une connexion avec ceux-ci), cette mécanique pousse à jouer davantage voire mieux mais crée aussi de l’attachement au jeu via le lien avec d’autres joueurs. Ceci se fait via du jeu en ligne ou la création de connexions avec des réseaux sociaux (pour partager les résultats obtenus, trouver des joueurs, etc). 

Tout ceci contribue à la motivation du joueur, en particulier via un subtil équilibre de sa frustration à travers deux états que le joueur va (consciemment ou non) chercher à atteindre : 

  • Le flow : état de concentration du joueur où les objectifs s’enchaînent de façon fluide. C’est typiquement la période où l’on ne voit pas le temps passer. C’est aussi, en conséquence, ce qui peut pousser le joueur à investir (du temps, des ressources virtuelles, de l’argent réel) pour maintenir cet état et ne pas être frustré. 
  • Le fiero : état de satisfaction lié au fait d’avoir surmonté un obstacle particulièrement redoutable (dans du jeu vidéo non-mobile, il s’agit ici d’une des mécaniques de base de ce que l’on appelle parfois les Souls-like : des jeux mettant l’accent sur la maîtrise par les joueurs afin de proposer un challenge très élevé).  

La conception du jeu s’articule souvent autour de ces deux états, directement ou non (augmentation progressive de la difficulté, récompenses, etc). Ce subtil équilibre va être crucial pour la qualité d’un jeu et surtout de l’expérience de jeu mais aussi, pour les éditeurs, pour le temps passé sur le jeu et l’argent dépensé par les joueurs. Ce qui peut parfois amener à des impacts environnementaux plus élevés.  

Directement, en incitant les joueurs à passer le plus de temps possible sur le jeu et en s’appuyant sur du jeu en ligne et des liens avec les réseaux sociaux, en affichant de la publicité et en concevant des interfaces très denses en informations et effets visuels.  

Indirectement, en incitant à la consommation (dépenser de l’argent) mais aussi à la surconsommation (vouloir toujours plus et générer de la frustration). Ceci induit donc des comportements peu écoresponsables et à l’encontre d’une logique de sobriété.  

A noter que l’industrie du jeu vidéo prend de plus en plus conscience de ses impacts environnementaux.  

Polygon, notamment, s’était intéressé au sujet : https://www.polygon.com/features/22914488/video-games-climate-change-carbon-footprint [EN] 

Cette prise de conscience donne souvent lieu à des actions mais aussi à du greenwashing (exemple : https://www.ouest-france.fr/high-tech/jeux-video/ecologie-le-secteur-du-jeu-video-fait-il-du-greenwashing-355c56fc-0c3d-11ee-8e71-2cd44afe92ef?utm_source=pocket-newtab-bff).  

Pour autant, de plus en plus de ressources pertinentes apparaissent sur le sujet : https://playing4theplanet.org/resources [EN]. Certains fabricants s’intéressent à l’impact du matériel, tandis que des éditeurs cherchent à évaluer leurs impacts environnementaux. Le renouvellement régulier des machines et les cadences de sortie des jeux sont en soi problématiques. Le jeu en ligne et la dématérialisation n’arrangent pas nécessairement les choses. Voir à ce propos l’étude de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) sur la dématérialisation des services culturels. De façon similaire à ce que l’on peut observer par exemple pour les sites web, des optimisations sont possibles (efficience) mais l’enjeu est surtout celui de la sobriété (à l’inverse de la surenchère des jeux à monde ouvert). Des enjeux plus généraux sont également à prendre en compte :  

Conclusion 

Les jeux mobiles font partie du quotidien de nombreuses personnes, ce qui rend l’étude de leurs impacts environnementaux d’autant plus essentielle (même si d’autres domaines du Numérique Responsable restent concernés comme l’économie de l’attention, l’accessibilité et la gestion des données personnelles). Même si des optimisations techniques restent à envisager, le nœud du problème réside dans leur conception et les comportements induits (avec entre autres le risque de créer de la dépendance voire de présenter des risques financiers pour les joueurs).  

Le jeu vidéo en général pourrait et devrait devenir un levier pour une prise de conscience des enjeux autour de l’écologie. De même que pour l’accessibilité, la démarche a été amorcée par certains et il sera intéressant de voir comment cela évolue face à l’urgence des enjeux.  

Le petit bout de la lorgnette – impacts environnementaux

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Il y a encore dix ans, le sujet des impacts environnementaux du numérique était limité à une poignée de spécialistes. Depuis quelques années, le sujet a pris beaucoup d’ampleur, notamment en France mais aussi à l’international. Alors que certains s’inquiètent (à juste titre) de la prépondérance des discours autour du net zero et de la neutralité carbone, cette tendance n’est qu’un symptôme d’une approche biaisée du sujet.  

Réduire une crise globale à un problème technique 

L’urgence climatique est un sujet essentiel qui a pris énormément d’ampleur ces dernières années. Le domaine du numérique n’est pas épargné et des études et outils ont permis à un grand nombre d’en prendre conscience. Le problème est alarmant mais aussi complexe et c’est pour cela que certains aspects se sont perdus en cours de route au profit d’une sensibilisation plus large.  

Dans le cas des services numériques, il est entendu qu’une ACV (Analyse de Cycle de Vie) est un excellent moyen d’estimer les impacts environnementaux mais la démarche peut s’avérer lourde et coûteuse. Définir le périmètre, sélectionner les indicateurs, recueillir et analyser les données. La complexité est d’autant plus difficile à prendre en compte quand on veut des résultats rapidement et de préférence qui soient faciles à communiquer. Alors, pour gagner en efficacité, certains font des choix en ne mesurant qu’une partie de leurs services numériques grâce à des outils faciles à prendre en main. En quelques clics, vous avez votre réponse et pouvez la partager.  

Cette logique vous semble familière ? Normal, c’est ce qu’on appelle le solutionnisme technologique, tel qu’exposé par Evgeny Morozov dans son ouvrage de référence “To save everything, click here”.  

C’est aussi pour cela que sont développées des solutions qui viennent analyser du code pour proposer des pistes d’amélioration afin de réduire les impacts environnementaux. Certains commencent même à s’appuyer sur de l’intelligence artificielle pour cela.  

C’est encore ce qui pousse certains à optimiser à quel endroit va être exécuté leur code pour aller vers une localisation où l’énergie est moins impactante d’un point de vue environnemental (en ne tenant bien sûr compte que des émissions de gaz à effet de serre). Et ce qui ne pourra pas être évité ou réduit pourra toujours être compensé.  

Tout ceci est au final très humain. Face à un problème complexe et urgent, on cherche à simplifier et à adopter ou trouver une solution rapide. Ce n’est pas une mauvaise chose pour autant mais il ne faut pas s’arrêter là. D’autant plus quand certains s’appuient sur des affirmations de “net zero” et de neutralité carbone pour dessiner artificiellement une ligne d’arrivée atteignable via des calculs savants et des investissements alors que le problème est systémique par nature.  

Le risque ici est d’optimiser un indicateur tout en en dégradant d’autres que l’on n’avait pas en tête (par exemple : solliciter un data centre présenté comme neutre carbone sans tenir compte de son impact sur les ressources en eau). Ainsi, on se demande de plus en plus si un site sobre est nécessairement moche sans se rendre compte qu’il n’est pas toujours accessible. Ni vraiment sobre, d’ailleurs.  

Rappel 

Les impacts environnementaux du numérique ne se limitent pas aux émissions de gaz à effet de serre. Comme on le voit dans l’ACV, les indicateurs à prendre en compte sont beaucoup plus nombreux et variés. Petit à petit, nous devons aussi prendre en compte la criticité de certaines ressources minières mais aussi celle de l’eau (comme on a pu le voir récemment avec ChatGPT et les data centres de chez Google).  

Les impacts environnementaux des services numériques ne viennent pas que du code. A vrai dire, d’après GreenIT.fr, seuls 20% environ des impacts viendraient du code. Ce qui est d’ailleurs tout à fait logique. Via le code, on va chercher à améliorer l’efficience (faire mieux avec moins). Les vrais leviers de réduction sont plutôt à chercher dans les autres étapes du cycle de vie, notamment la conception, la stratégie et la production de contenu. Ainsi, on pourra aller pour de bon vers la sobriété.  

Enfin, les impacts du numérique ne sont pas qu’environnementaux et c’est bien là le cœur du Numérique Responsable. Il faut garder en tête les impacts sur l’individu (via l’accessibilité, la sécurité, la gestion de données personnelles, l’économie de l’attention, l’éthique et l’inclusion). Ainsi, la gestion de l’urgence climatique ne peut se faire qu’avec une approche intersectionnelle.  

Comment faire ? 

L’approche technique n’est pas forcément mauvaise en soi. C’est une bonne chose d’avoir des solutions efficaces pour améliorer l’efficience des services numériques (pour peu que l’on garde en tête les éventuels effets de bord). Parfois, c’est même un excellent point de départ pour mener de premières actions, amorcer une démarche d’amélioration continue et débroussailler le sujet. 

Il est en revanche indispensable d’aller plus loin. C’est ce qu’on retrouve aujourd’hui dans des mouvements autour de la Sustainable UX ou de la communication responsable voire du marketing digital responsable, par exemple. On voit également émerger des ressources et ouvrages sur le “green service design” et sur le design systémique.  

C’est aussi ce qui fait que les 115 bonnes pratiques du collectif GreenIT ont pu évoluer au fil du temps et que d’autres référentiels plus complets ont pu voir le jour comme le RGESN et le GR491.  

Au-delà de cela, il est également important de se poser des questions plus générales sur ce qu’on écoconçoit mais aussi sur comment les services que l’on crée peuvent induire des comportements plus respectueux de l’environnement.  

Conclusion 

Comme nous avons déjà pu l’évoquer en étudiant les offres des hébergeurs web, la réalité des impacts environnementaux du numérique est plus complexe qu’en apparence. Le problème ne se résoudra pas en un clic et c’est peut-être tant mieux. En effet, c’est l’occasion de repenser le numérique, la façon dont on l’utilise et dont on le conçoit. De ces contraintes naîtra peut-être un numérique plus respectueux de l’environnement mais aussi des individus.  

Bonne pratique : optimiser les polices de caractères

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Depuis quelques années, l’utilisation de polices de caractères sur le web a explosé (aussi bien en nombre de polices existantes que de sites y ayant recours).

Comme souvent, le Web Almanac est une mine d’informations, notamment via le chapitre dédié aux polices. On y apprend notamment que les deux principaux fournisseurs de polices web sont Google puis Font Awesome, cette dernière consistant en la mise à disposition d’icônes. Au-delà du coût potentiel sur la performance et les impacts environnementaux, certains pays ont déjà établi que ceci pouvait contrevenir au RGPD (Règlement Général sur la Protection des données).  

Proportion de sites web utilisant des web fonts 

Voyons désormais quelles bonnes pratiques peuvent permettre de réduire l’impact des polices de caractères sur le web.  

Référentiels existants 

Les polices sont mentionnées dans la famille UX/UI du RGESN (Référentiel Général d’écoconception de services numériques) :  

  • 4.10 – Le service numérique utilise-t-il majoritairement des polices de caractères du système d’exploitation ? 

On les retrouve également dans le GR491 (Guide de référence de conception responsable de services numériques) :  

Enfin, les 115 bonnes pratiques d’écoconception web les mentionnent également :  

Bonnes pratiques 

Objectifs 

Afin de réduire les impacts des polices de caractères, plusieurs bonnes pratiques sont applicables :  

  • Privilégier les polices standard/système : ainsi, on évite des requêtes supplémentaires 
  • Utiliser un format de compression optimal (aujourd’hui, il s’agit du format WOFF2). Des outils en ligne comme Everything Fonts peuvent assurer cette conversion. 
  • Limiter le nombre de variantes utilisées ou privilégier une police variable 
  • Ne charger que les caractères réellement utilisés (par exemple via un subset

Quand ? 

Ces bonnes pratiques doivent intervenir dès la conception visuelle du service afin de privilégier les polices standard autant que possible. Si ce n’est pas possible, limiter alors le nombre de variantes à charger. Enfin, lorsque les polices sont intégrées, privilégier le format woff2, les polices variables et s’assurer de ne charger que les caractères ou langues réellement utilisés.  

Facilité de mise en œuvre 

Si le site est déjà en ligne, il peut être compliqué de modifier la police utilisée. En revanche, les optimisations techniques sont faciles à mettre en œuvre (format, police variable, Subset).

Gains estimés

Ces bonnes pratiques permettent de diminuer le nombre de requêtes HTTP ainsi que le volume de données transférées.

Cas particuliers 

Google Fonts

Afin d’éviter les problèmes avec le RGPD, il est recommandé d’héberger les polices Google soi-même.
Si des versions variables ne sont pas disponibles pour toutes, certains créateurs proposent ces versions gratuitement. En complément, l’API Google permet directement de créer un Subset avec une requête de ce type : https://fonts.googleapis.com/css?family=Montserrat&subset=latin 

Icônes

Les polices d’icônes sont plutôt répandues. Les utiliser directement peut impliquer de charger de nombreuses icônes qui ne seront pas forcément utilisées. Le mieux dans le cas des icônes est d’utiliser directement chacune d’entre elles au format SVG. Sous cette forme, elles peuvent être intégrées directement dans le HTML (sans requête HTTP supplémentaire). Si une police d’icônes doit être conservée pour des raisons pratiques, limiter le fichier aux icônes réellement utilisées.

Cas d’étude 

Dans le cadre de l’accompagnement des équipes de Docaposte pour leur site institutionnel, les polices de caractères constituent comme souvent un chantier à part entière.  

Les polices utilisées ici sont deux Google Fonts : Montserrat et Barlow. Le site étant déjà en ligne, il est compliqué d’imposer le recours à des polices standard.  

Afin d’éviter de contrevenir au RGPD mais aussi pour améliorer la performance du site, les polices sont hébergées directement sur les serveurs de Docaposte. Dans un second temps, la mise en place d’un sous-domaine dédié pourrait permettre de s’affranchir des cookies.  

L’intégration sous la forme d’une police variable nécessite quelques ajustements supplémentaires, notamment au niveau des feuilles de style. En attendant, il a été décidé d’appliquer deux bonnes pratiques :  

  • Proposer les fichiers au format woff2 plutôt que woff 
  • Le site n’étant proposé qu’en français et en anglais, un Subset a été créé ne conservant que l’alphabet Latin. 

Requêtes initiales 

Requêtes après Subset et conversion au format woff2 

Le format woff2 offre une compression supérieure en moyenne de 30% par rapport au format woff  et encore plus par rapport à d’autres formats comme ttf.  

Ce changement de format, combiné au Subset, a permis de faire passer le poids total des polices d’un peu plus de 400 ko à un peu moins de 90 ko soit une réduction de 78% environ.  

Aller plus loin 

Bonne pratique : Limiter le nombre de services tiers

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L’article en résumé

Un service tiers c’est quoi ? Ce sont des services qui permettent d’integrer une fonctionnalité ou un contenu complexe via du code dont on a peu de contrôle. Les 10 services tiers les plus fréquents bloquent le chargement des sites pendant environ 1,4s. Les polices google sont le service le + répandu alors même que son utilisation peut contrevenir au RGPD.

Les impacts des services-tiers sont loin d’être négligeables. En termes environnementaux, de performance, de sécurité mais aussi de gestion des données personnelles, de captation de l’attention et parfois même d’accessibilité. Il convient donc d’y avoir recours le moins possible. Ce dernier point est soutenu par les référentiels du RGESN et du GR491.

Les bonnes pratiques pour limiter les services tiers ?

  • Votre site est en construction : ne pas inclure de services tiers
  • Votre site est déjà construit : limiter l’ajout de contenus ou supprimer certains services tiers ( en vérifiant la compatibilité avec la conception, marketing ou stratégie déjà en place)
  • Votre site se chargera plus vite : un bonus pour le numérique responsable ainsi que l’expérience utilisateur.

Un exemple concret :
Lors d’un audit client, il a été décidé de supprimer le fil twitter présents sur plusieurs pages du site.

Résultats :
une amélioration significative des métriques et indicateurs.

En particulier : 

  • Réduction de la vitesse de décharge de la batterie de 36% 
  • Réduction de la charge CPU de 76% 
  • Réduction du volume de données transférées de 68% 

Contexte

Les services-tiers sont présents sur 94% des sites web et représenteraient 45% des requêtes effectuées par l’ensemble des sites web. Ces services servent à intégrer une fonctionnalité ou un contenu complexe via du code le plus souvent hébergé sur un autre site, en ayant peu ou pas de contrôle sur celui-ci. Ainsi, il peut s’agir d’une solution d’analytics, d’une vidéo, des contenus d’un réseau social, d’un captcha, de trackers, etc.  
En voici une liste (triée par catégories), construite par Patrick Hulce. 


Tweet de Marcel Freinbichler 

Traduction : En raison de RGPD, USA Today a décidé d’exécuter une version distincte de son site web pour les utilisateurs de l’UE (Union Européenne), dans laquelle tous les scripts de suivi et les publicités ont été supprimés. Le site semblait très rapide, j’ai donc fait un audit de performance. À quelle vitesse Internet pourrait être sans tous les déchets ! 🙄 

5,2 Mo → 500 Ko 

Vous trouverez plus d’informations à leur sujet ainsi que des statistiques sur leur utilisation dans le chapitre Third-parties du Web Almanac : https://almanac.httparchive.org/en/2022/third-parties  

Il en ressort notamment que les 10 plus fréquents bloquent en moyenne le chargement des sites pendant 1,4s et que des optimisations techniques restent souvent possibles (minification, compression, chargement différé mais aussi suppression de code JS obsolète). Aussi, la plupart des services tiers les plus utilisés sont liés à Google.  

Il est d’ailleurs intéressant de noter que les polices Google sont le service le plus répandu, alors même que leur utilisation peut contrevenir au RGPD. Une façon d’y remédier est d’héberger soi-même les fichiers correspondants. Le mieux reste bien sûr de s’en tenir le plus possible aux polices système disponibles sans requête supplémentaire. 

Il ressort de tout ceci que les impacts des services-tiers, en particulier sur les sites web mais aussi les applications mobiles, sont loin d’être négligeables. En termes environnementaux, de performance, de sécurité mais aussi de gestion des données personnelles, de captation de l’attention et parfois même d’accessibilité (voir à ce sujet l’article de Temesis : https://www.temesis.com/blog/contenus-tiers-exemptes-deroges-audites/). Il convient donc d’y avoir recours le moins possible.  

Chez Greenspector, c’est quelque chose que nous regardons de très près pour nos clients, via des outils spécifiques permettant de lister les services tiers et d’estimer leurs impacts respectifs. C’est d’ailleurs là une valeur ajoutée non-négligeable de la mesure. Et une étape incontournable pour réduire les impacts environnementaux et améliorer l’expérience utilisateur. 

Intéressons-nous aujourd’hui à la bonne pratique de sobriété qui consiste à intégrer le moins possible de services-tiers dans un service numérique.  

Référentiels existants 

On retrouve ce critère dans la famille Spécifications du RGESN (Référentiel Général d’écoconception de services numériques) : 2.5 – Le service numérique a-t-il pris en compte les impacts environnementaux des services tiers utilisés lors de leur sélection ? 

On le retrouve également dans le GR491 (Guide de référence de conception responsable de services numériques) : Est-ce que les services tiers (fils réseaux sociaux, social wall, carrousels, google maps etc) ne sont pas utilisés par facilité pour pallier le manque de ressources de production de contenus ? 

Bonne pratique

Objectif

Cette bonne pratique de sobriété consiste donc à limiter le nombre de services-tiers dans un service numérique.  

Quand ?

Elle intervient dès la conception du service (choisir de ne pas inclure les services en question) mais aussi lors de l’ajout de contenu (afin par exemple de ne pas intégrer directement une vidéo Youtube dans un article).  

Facilité de mise en œuvre

Il est facile techniquement de supprimer un service-tiers. En revanche, cette suppression peut nécessiter en amont des discussions sur la conception, le marketing ou la stratégie. C’est d’ailleurs pour cela que cette décision doit intervenir le plus tôt possible dans le projet.  

Gains estimés

Les gains peuvent être conséquents sur plusieurs domaines liés au Numérique Responsable. Dans tous les cas, l’expérience utilisateur en bénéficie.  

Cas d’étude

Lors de l’accompagnement d’un client (audit initial puis mesures quotidiennes et expertise), il a été décidé de supprimer le fil Twitter présent sur plusieurs pages du site. La modification a eu lieu le 1er février 2023. Les mesures sur la page d’accueil mettent en avant les gains liés à cette modification, constats que l’on observe par la mesure des consommations de ressources IT et d’énergie via l’outil Greenspector.  

Evolution des métriques liées au chargement de la page entre le 1er et le 2 février 2023

Ecoscore (benchmark web) du 1er février 2023

Ecoscore (benchmark web) du 2 février 2023 

On constate donc ici une amélioration significative des métriques et indicateurs. En particulier :  

  • Réduction de la vitesse de décharge de la batterie de 36% 
  • Réduction de la charge CPU de 76% 
  • Réduction du volume de données transférées de 68% 

Suite à la projection environnementale via la méthodologie Greenspector, on constate que l’impact de cette page d’accueil était, avant suppression du fil Twitter, de 0.95g eqCO2. Après suppression de ce fil, il est de 0.54g eqCO2.  

La page en question a plus de 2,5 millions de vues par an. 

Dans un souci de simplification, on laisse de côté ici les apports du cache côté client (même s’ils sont sûrement non-négligeables), les disparités de temps passé par chacun sur cette page, ainsi que les modifications apportées à celle-ci sur ce laps de temps.  

On passe alors d’un impact sur un an de 2,38T eqCO2 à 1,36T eqCO2, soit une réduction de plus de 40% de l’impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre

Pour les autres impacts évalués, la tendance est similaire. Ainsi, sur un an, on passe de 383047 à 224675 L d’eau consommée et de 383 à 230 m² d’occupation des sols. 

Aller plus loin

Pour les services-tiers jugés indispensables, il existe des méthodes pour en réduire l’impact (via des bonnes pratiques d’efficience). Il peut notamment s’agir d’avoir recours à une façade pour intégrer une carte interactive ou une vidéo sous la forme d’une vignette cliquable.  

Certains articles abordent le sujet sous l’angle de la performance web :  

Grille de lecture des engagements environnementaux des offres d’hébergement web

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Après un premier article où nous nous basions sur les sites web des hébergeurs pour comparer les hébergeurs proposant des offres “écoresponsables”, regardons plus en détail les offres en question. 

Le choix d’un hébergement web est souvent complexe en raison des nombreux facteurs à prendre en compte (sécurité, disponibilité, capacité de stockage, souveraineté, etc). Si vous avez en plus à cœur de choisir une offre en fonction de ses impacts environnementaux, le choix devient d’autant plus complexe. 

L’objectif premier de cet article est de présenter certains critères à prendre en compte dans le choix d’une offre d’hébergement web.

Nous nous intéressons dans un premier temps aux les référentiels de bonnes pratiques existants.

Une fois la liste des critères environnementaux établie, nous reviendrons plus en détail sur chacun des critères afin de mieux les comprendre mais aussi de disposer des bonnes informations pour comprendre les critères disponibles voire en discuter directement avec les hébergeurs.

Indirectement, cette grille de lecture peut également s’avérer utile pour les hébergeurs soucieux de leurs impacts environnementaux. 

Notre objectif ici est de proposer une grille de lecture simple, permettant à n’importe qui de comprendre sur quoi se baser pour choisir un hébergeur “éco-responsable”. Pour autant, toutes ces informations ne seront pas nécessairement sur les sites web des hébergeurs. Le plus simple reste de contacter directement ces entreprises afin de récupérer les données manquantes.  

Nous restons évidemment preneurs de retours et de remarques constructives afin d’améliorer cette grille de lecture et de savoir comment elle est utilisée.

Référentiels existants 

Afin de mieux comprendre comment se traduisent les impacts environnementaux des offres d’hébergement, nous avons commencé par regarder ce que suggèrent les référentiels existants à ce sujet.

Afin de choisir un hébergeur écoresponsable, les 115 bonnes pratiques d’écoconception web proposent les items suivants (voir plus loin pour le détail de chacun d’entre eux) :  

  • Compensation carbone

Le RGESN (Référentiel général d’écoconception de services numériques) propose une douzaine de bonnes pratiques relatives à l’hébergement. Entre autres, il y est question de :   

  • PUE/CUE/WUE 
  • Gestion des équipements 
  • Utilisation d’énergies renouvelables 
  • Chaleur fatale 
  • Localisation des serveurs
  • Bonnes pratiques de gestion des données

Note : on retrouve la plupart de ces critères dans ceux qui ont été retenus pour le présent comparatif, à l’exception de ceux liés à la localisation des serveurs (évoqué dans les engagements sociaux) ou à la gestion des données (qui dépendent de l’usage, notamment en fonction de la criticité du service et des données).

Comme à son habitude, le GR491 (Guide de Référence de Conception Responsable de Services Numériques) propose de nombreuses recommandations sur le sujet. Si l’on s’en tient aux incontournables, on trouve :  

  • La gestion des déchets
  • Le PUE 
  • Le dimensionnement du parc physique 
  • La fin de vie des équipements 
  • Les indicateurs sur les logiciels utilisés

En complément, la DINUM (Direction Interministérielle du Numérique) propose un guide pratique pour des achats numériques responsables, avec en particulier une fiche sur les matériels d’infrastructures informatiques et services d’hébergement (et solutions hébergées). L’AGIT (Alliance GreenIT), de son côté, a mis à jour en mars 2023 un livre blanc portant sur la maîtrise et l’optimisation des impacts environnementaux d’un data center.  

En croisant l’ensemble de ces éléments, nous avons constitué une liste de critères à vérifier qui se veut complète à défaut d’être exhaustive.  

Note 1 : actuellement, un groupe de travail au cœur du W3C construit un référentiel de recommandations portant sur la sustainability des sites web. L’un des axes de travail porte sur l’hébergement et l’infrastructure.  

Note 2 : en janvier 2023, l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) a publié un référentiel méthodologique d’évaluation environnementale des services d’hébergement et des services cloud. Ce document définit les informations à réunir et à afficher. Au moment où est publié le présent article, les sociétés concernées ne se le sont pas approprié mais il reste à espérer que ce sera le cas dans un futur proche.

Grille de lecture des engagements environnementaux des hébergeurs 

Voyons désormais ce qui constitue la grille de lecture en question. 

Les critères retenus 

En se basant sur les référentiels vus plus haut et afin de mieux évaluer les offres d’hébergement, le choix a été fait de se baser sur plusieurs critères (que nous vous détaillons plus loin) :  

  • Gestion des DEEE 
  • PUE 
  • WUE
  • CUE 
  • Politique d’achat  
  • Engagements sociaux  
  • Gestion de la chaleur produite  
  • Alimentation en énergies renouvelables  
  • Compensation carbone
  • Normes ISO, labels, certificats

Description des critères 

Gestion des DEEE (Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques) 

Comment les déchets électroniques et électriques sont pris en charge. A ce jour, la plupart de ces déchets font l’objet d’un trafic (Où en est-on du recyclage?). 

La gestion des DEEE, consiste à prolonger la vie des équipements électroniques par le recyclage ou l’upcycling et la réutilisation. Ainsi, par exemple, des serveurs utilisés pour de l’hébergement peuvent parfois ensuite être réutilisés dans d’autres contextes. 

PUE  

Le PUE (pour Power Usage Effectiveness) représente la part d’énergie utilisée pour alimenter les équipements informatiques (serveurs, stockage et réseau) par rapport à l’électricité totale consommée (pour le refroidissement, les onduleurs, etc). Toujours supérieur à 1, il doit en être le plus proche possible. On estime que les data centers les plus anciens disposent d’un PUE autour de 2 alors que les plus performants sont plutôt autour de 1,1.  

Beaucoup de structures annoncent des PUE très bas. Là aussi, il serait important de voir comment celui-ci est calculé. Voir à ce sujet le site de Scaleway : https://www.scaleway.com/fr/leadership-environnemental/ 

WUE  

En suivant un raisonnement similaire à celui pour le PUE, le WUE (pour Water Usage Effectiveness) évalue l’utilisation efficace de l’eau, notamment pour le refroidissement des équipements, en la comparant à la quantité d’électricité utilisée pour les équipements. En effet, la quantité d’eau utilisée par les hébergeurs est très élevée, ce qui accroit les risques de stress hydrique. 

Le but est de se rapprocher le plus possible d’une consommation d’eau nulle par kWh.  

Peu de structures aujourd’hui annoncent un CUE ou un WUE. Pourtant, ce type d’information est un complément essentiel au PUE afin de s’assurer par exemple qu’un PUE bas ne s’explique pas par une utilisation d’eau plus importante. 

CUE 

Le CUE (pour Carbon Usage Effectiveness) compare la quantité d’émissions de gaz à effet de serre à la quantité d’électricité utilisée. Afin de l’améliorer, il faut sélectionner des technologies moins émettrices en CO2 (ce qui peut être le cas lorsqu’on a recours à un générateur pour produire l’électricité plutôt que d’utiliser le réseau électrique directement). L’objectif peut être d’avoir un CUE inférieur à 0.1 kg de CO2. 

Politique d’achat  

La fabrication des équipements reste l’étape la plus impactante de leur cycle de vie, notamment en raison des nombreuses ressources (entre autres métaux et terres rares) nécessaires. La politique d’achat est donc un élément essentiel afin de limiter les impacts environnementaux d’un hébergeur, même si la fabrication des équipements d’un centre de données reste moins impactante que sa consommation électrique. Ainsi, certains optent pour des équipements reconditionnés ou fabriquent eux-mêmes leurs équipements et tous doivent garder en tête l’efficacité et la durabilité des équipements achetés. 

Engagements sociaux 

Il est impossible d’en faire un critère objectif et directement mesurable. On retrouve pourtant dans cette catégorie ce que font certaines entreprises pour réduire l’impact de l’activité ou contribuer à la société, ce qui est une composante essentielle du numérique responsable. Des éléments globaux comme un plan RSE ou le label Lucie peuvent en témoigner. Il peut aussi être intéressant de considérer la localisation des bâtiments ainsi que les actions menées localement, le choix des prestataires, etc.  

Gestion de la chaleur produite  

De par son activité et la sollicitation des équipements, un hébergeur peut produire énormément de chaleur. Afin de garder les équipements en état de fonctionnement, il est nécessaire de les refroidir, le plus souvent en utilisant de l’électricité via par exemple des climatisations (d’où la notion de PUE vue plus haut) ou de l’eau. Lorsqu’elle est relâchée directement, cette chaleur peut avoir un impact néfaste sur l’environnement (on parle parfois de chaleur ou d’énergie fatale). Certains hébergeurs l’utilisent donc pour réchauffer des bâtiments voisins. Ceci peut être mesuré notamment par le ERF (Energy Reuse Factor – facteur de réutilisation de l’énergie). 

Alimentation en énergies renouvelables 

Les data centers sont souvent pointés du doigt en raison de leur consommation d’électricité. Même si la priorité reste de s’assurer d’en consommer le moins possible, il est important de s’appuyer le plus possible sur des énergies renouvelables afin d’en limiter l’impact environnemental. Ceci peut être mesuré par le REF (Renewable Energy Factor – facteur d’utilisation d’énergies renouvelables). 

La plupart des hébergeurs portent leurs efforts sur les énergies renouvelables. Nous nous sommes basés sur les affirmations des entreprises sur la proportion d’énergies renouvelables utilisées. A titre de comparaison, la démarche de la Green Software Foundation à ce sujet (pour leur Green Hosting Directory que l’on retrouve mentionné par plusieurs des structures comparées ici) est plutôt simple. Ils distinguent mais tiennent compte des structures qui : 

  • Utilisent uniquement des énergies renouvelables 
  • Investissent dans des énergies renouvelables afin de compenser leur propre utilisation d’énergies non-renouvelables 
  • Ont recours à de la compensation carbone 

Ce choix peut être discutable (notamment sur la prise en compte de la compensation carbone). A chacun de voir ce que chacun juge comme nécessaire (en termes de démarches et d’éléments de preuve). 

Il est également important de distinguer les énergies décarbonées (le nucléaire par exemple) et les énergies renouvelables. 

Enfin, les affirmations de “100% d’énergies renouvelables” peuvent être trompeuses. Libre à chacun donc de se renseigner directement auprès des entreprises. 

Compensation carbone 

Dans une démarche de réduction des impacts environnementaux, la compensation carbone est la dernière étape. Elle ne doit intervenir que lorsque les émissions ont au préalable été réduites le plus possible via la sobriété et l’efficience. De plus, l’efficacité de certaines solutions de compensation carbone est régulièrement mise en doute. Sachant qu’il existe plusieurs façons de procéder à de la compensation carbone, il sera là aussi judicieux de se rapprocher des entreprises afin d’en apprendre davantage sur la nature précise de leurs démarches. Conformément aux préconisations de l’ADEME et d’EcoInfo, la notion de neutralité carbone doit être abordée avec précaution et évitée autant que possible. 

Normes ISO, labels, certificats 

On regarde en priorité plusieurs éléments. Notamment les normes ISO50001 (gestion de l’énergie), ISO27001 (sécurité de l’information) et ISO14001 (management environnemental). En plus de cela, on trouve parfois le HDS (Hébergement de données de santé, qui inclut entre autres les normes ISO27001 et ISO50001). Enfin, le Code of Conduct on Data Centre Energy Efficiency regroupe de nombreuses bonnes pratiques. Parfois mentionné, Greenethiquette témoignait d’engagements environnementaux de la part des hébergeurs mais a disparu au profit de référentiels plus détaillés (comme le Code of Conduct européen). 

Conclusion 

On rencontre la notion d’hébergeur écoresponsable depuis plusieurs années (notamment via la Greenethiquette) mais les critères précis sont encore en cours de réflexion (sans même parler de ce que l’on est en droit d’en attendre). Même si certaines entreprises font preuve d’une transparence très poussée sur leurs sites web (notamment via des pages dédiées), ceci ne saurait remplacer une discussion plus poussée, aussi bien pour se renseigner sur des critères manquants que pour mieux comprendre les actions déjà mises en place. Il reste donc à espérer que les hébergeurs iront vers des critères concrets pour témoigner de leurs impacts environnementaux et communiqueront dessus en toute transparence.  

Dans l’immédiat, il reste à espérer que cette grille de lecture soit utile pour ceux qui souhaitent aller vers des offres d’hébergement plus respectueuses de l’environnement mais aussi pour que chacun puisse être à même de pousser les entreprises vers des actions plus vertueuses.