Grille de lecture des engagements environnementaux des offres d’hébergement web

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Après un premier article où nous nous basions sur les sites web des hébergeurs pour comparer les hébergeurs proposant des offres “écoresponsables”, regardons plus en détail les offres en question. 

Le choix d’un hébergement web est souvent complexe en raison des nombreux facteurs à prendre en compte (sécurité, disponibilité, capacité de stockage, souveraineté, etc). Si vous avez en plus à cœur de choisir une offre en fonction de ses impacts environnementaux, le choix devient d’autant plus complexe. 

L’objectif premier de cet article est de présenter certains critères à prendre en compte dans le choix d’une offre d’hébergement web.

Nous nous intéressons dans un premier temps aux les référentiels de bonnes pratiques existants.

Une fois la liste des critères environnementaux établie, nous reviendrons plus en détail sur chacun des critères afin de mieux les comprendre mais aussi de disposer des bonnes informations pour comprendre les critères disponibles voire en discuter directement avec les hébergeurs.

Indirectement, cette grille de lecture peut également s’avérer utile pour les hébergeurs soucieux de leurs impacts environnementaux. 

Notre objectif ici est de proposer une grille de lecture simple, permettant à n’importe qui de comprendre sur quoi se baser pour choisir un hébergeur “éco-responsable”. Pour autant, toutes ces informations ne seront pas nécessairement sur les sites web des hébergeurs. Le plus simple reste de contacter directement ces entreprises afin de récupérer les données manquantes.  

Nous restons évidemment preneurs de retours et de remarques constructives afin d’améliorer cette grille de lecture et de savoir comment elle est utilisée.

Référentiels existants 

Afin de mieux comprendre comment se traduisent les impacts environnementaux des offres d’hébergement, nous avons commencé par regarder ce que suggèrent les référentiels existants à ce sujet.

Afin de choisir un hébergeur écoresponsable, les 115 bonnes pratiques d’écoconception web proposent les items suivants (voir plus loin pour le détail de chacun d’entre eux) :  

  • Compensation carbone

Le RGESN (Référentiel général d’écoconception de services numériques) propose une douzaine de bonnes pratiques relatives à l’hébergement. Entre autres, il y est question de :   

  • PUE/CUE/WUE 
  • Gestion des équipements 
  • Utilisation d’énergies renouvelables 
  • Chaleur fatale 
  • Localisation des serveurs
  • Bonnes pratiques de gestion des données

Note : on retrouve la plupart de ces critères dans ceux qui ont été retenus pour le présent comparatif, à l’exception de ceux liés à la localisation des serveurs (évoqué dans les engagements sociaux) ou à la gestion des données (qui dépendent de l’usage, notamment en fonction de la criticité du service et des données).

Comme à son habitude, le GR491 (Guide de Référence de Conception Responsable de Services Numériques) propose de nombreuses recommandations sur le sujet. Si l’on s’en tient aux incontournables, on trouve :  

  • La gestion des déchets
  • Le PUE 
  • Le dimensionnement du parc physique 
  • La fin de vie des équipements 
  • Les indicateurs sur les logiciels utilisés

En complément, la DINUM (Direction Interministérielle du Numérique) propose un guide pratique pour des achats numériques responsables, avec en particulier une fiche sur les matériels d’infrastructures informatiques et services d’hébergement (et solutions hébergées). L’AGIT (Alliance GreenIT), de son côté, a mis à jour en mars 2023 un livre blanc portant sur la maîtrise et l’optimisation des impacts environnementaux d’un data center.  

En croisant l’ensemble de ces éléments, nous avons constitué une liste de critères à vérifier qui se veut complète à défaut d’être exhaustive.  

Note 1 : actuellement, un groupe de travail au cœur du W3C construit un référentiel de recommandations portant sur la sustainability des sites web. L’un des axes de travail porte sur l’hébergement et l’infrastructure.  

Note 2 : en janvier 2023, l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) a publié un référentiel méthodologique d’évaluation environnementale des services d’hébergement et des services cloud. Ce document définit les informations à réunir et à afficher. Au moment où est publié le présent article, les sociétés concernées ne se le sont pas approprié mais il reste à espérer que ce sera le cas dans un futur proche.

Grille de lecture des engagements environnementaux des hébergeurs 

Voyons désormais ce qui constitue la grille de lecture en question. 

Les critères retenus 

En se basant sur les référentiels vus plus haut et afin de mieux évaluer les offres d’hébergement, le choix a été fait de se baser sur plusieurs critères (que nous vous détaillons plus loin) :  

  • Gestion des DEEE 
  • PUE 
  • WUE
  • CUE 
  • Politique d’achat  
  • Engagements sociaux  
  • Gestion de la chaleur produite  
  • Alimentation en énergies renouvelables  
  • Compensation carbone
  • Normes ISO, labels, certificats

Description des critères 

Gestion des DEEE (Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques) 

Comment les déchets électroniques et électriques sont pris en charge. A ce jour, la plupart de ces déchets font l’objet d’un trafic (Où en est-on du recyclage?). 

La gestion des DEEE, consiste à prolonger la vie des équipements électroniques par le recyclage ou l’upcycling et la réutilisation. Ainsi, par exemple, des serveurs utilisés pour de l’hébergement peuvent parfois ensuite être réutilisés dans d’autres contextes. 

PUE  

Le PUE (pour Power Usage Effectiveness) représente la part d’énergie utilisée pour alimenter les équipements informatiques (serveurs, stockage et réseau) par rapport à l’électricité totale consommée (pour le refroidissement, les onduleurs, etc). Toujours supérieur à 1, il doit en être le plus proche possible. On estime que les data centers les plus anciens disposent d’un PUE autour de 2 alors que les plus performants sont plutôt autour de 1,1.  

Beaucoup de structures annoncent des PUE très bas. Là aussi, il serait important de voir comment celui-ci est calculé. Voir à ce sujet le site de Scaleway : https://www.scaleway.com/fr/leadership-environnemental/ 

WUE  

En suivant un raisonnement similaire à celui pour le PUE, le WUE (pour Water Usage Effectiveness) évalue l’utilisation efficace de l’eau, notamment pour le refroidissement des équipements, en la comparant à la quantité d’électricité utilisée pour les équipements. En effet, la quantité d’eau utilisée par les hébergeurs est très élevée, ce qui accroit les risques de stress hydrique. 

Le but est de se rapprocher le plus possible d’une consommation d’eau nulle par kWh.  

Peu de structures aujourd’hui annoncent un CUE ou un WUE. Pourtant, ce type d’information est un complément essentiel au PUE afin de s’assurer par exemple qu’un PUE bas ne s’explique pas par une utilisation d’eau plus importante. 

CUE 

Le CUE (pour Carbon Usage Effectiveness) compare la quantité d’émissions de gaz à effet de serre à la quantité d’électricité utilisée. Afin de l’améliorer, il faut sélectionner des technologies moins émettrices en CO2 (ce qui peut être le cas lorsqu’on a recours à un générateur pour produire l’électricité plutôt que d’utiliser le réseau électrique directement). L’objectif peut être d’avoir un CUE inférieur à 0.1 kg de CO2. 

Politique d’achat  

La fabrication des équipements reste l’étape la plus impactante de leur cycle de vie, notamment en raison des nombreuses ressources (entre autres métaux et terres rares) nécessaires. La politique d’achat est donc un élément essentiel afin de limiter les impacts environnementaux d’un hébergeur, même si la fabrication des équipements d’un centre de données reste moins impactante que sa consommation électrique. Ainsi, certains optent pour des équipements reconditionnés ou fabriquent eux-mêmes leurs équipements et tous doivent garder en tête l’efficacité et la durabilité des équipements achetés. 

Engagements sociaux 

Il est impossible d’en faire un critère objectif et directement mesurable. On retrouve pourtant dans cette catégorie ce que font certaines entreprises pour réduire l’impact de l’activité ou contribuer à la société, ce qui est une composante essentielle du numérique responsable. Des éléments globaux comme un plan RSE ou le label Lucie peuvent en témoigner. Il peut aussi être intéressant de considérer la localisation des bâtiments ainsi que les actions menées localement, le choix des prestataires, etc.  

Gestion de la chaleur produite  

De par son activité et la sollicitation des équipements, un hébergeur peut produire énormément de chaleur. Afin de garder les équipements en état de fonctionnement, il est nécessaire de les refroidir, le plus souvent en utilisant de l’électricité via par exemple des climatisations (d’où la notion de PUE vue plus haut) ou de l’eau. Lorsqu’elle est relâchée directement, cette chaleur peut avoir un impact néfaste sur l’environnement (on parle parfois de chaleur ou d’énergie fatale). Certains hébergeurs l’utilisent donc pour réchauffer des bâtiments voisins. Ceci peut être mesuré notamment par le ERF (Energy Reuse Factor – facteur de réutilisation de l’énergie). 

Alimentation en énergies renouvelables 

Les data centers sont souvent pointés du doigt en raison de leur consommation d’électricité. Même si la priorité reste de s’assurer d’en consommer le moins possible, il est important de s’appuyer le plus possible sur des énergies renouvelables afin d’en limiter l’impact environnemental. Ceci peut être mesuré par le REF (Renewable Energy Factor – facteur d’utilisation d’énergies renouvelables). 

La plupart des hébergeurs portent leurs efforts sur les énergies renouvelables. Nous nous sommes basés sur les affirmations des entreprises sur la proportion d’énergies renouvelables utilisées. A titre de comparaison, la démarche de la Green Software Foundation à ce sujet (pour leur Green Hosting Directory que l’on retrouve mentionné par plusieurs des structures comparées ici) est plutôt simple. Ils distinguent mais tiennent compte des structures qui : 

  • Utilisent uniquement des énergies renouvelables 
  • Investissent dans des énergies renouvelables afin de compenser leur propre utilisation d’énergies non-renouvelables 
  • Ont recours à de la compensation carbone 

Ce choix peut être discutable (notamment sur la prise en compte de la compensation carbone). A chacun de voir ce que chacun juge comme nécessaire (en termes de démarches et d’éléments de preuve). 

Il est également important de distinguer les énergies décarbonées (le nucléaire par exemple) et les énergies renouvelables. 

Enfin, les affirmations de “100% d’énergies renouvelables” peuvent être trompeuses. Libre à chacun donc de se renseigner directement auprès des entreprises. 

Compensation carbone 

Dans une démarche de réduction des impacts environnementaux, la compensation carbone est la dernière étape. Elle ne doit intervenir que lorsque les émissions ont au préalable été réduites le plus possible via la sobriété et l’efficience. De plus, l’efficacité de certaines solutions de compensation carbone est régulièrement mise en doute. Sachant qu’il existe plusieurs façons de procéder à de la compensation carbone, il sera là aussi judicieux de se rapprocher des entreprises afin d’en apprendre davantage sur la nature précise de leurs démarches. Conformément aux préconisations de l’ADEME et d’EcoInfo, la notion de neutralité carbone doit être abordée avec précaution et évitée autant que possible. 

Normes ISO, labels, certificats 

On regarde en priorité plusieurs éléments. Notamment les normes ISO50001 (gestion de l’énergie), ISO27001 (sécurité de l’information) et ISO14001 (management environnemental). En plus de cela, on trouve parfois le HDS (Hébergement de données de santé, qui inclut entre autres les normes ISO27001 et ISO50001). Enfin, le Code of Conduct on Data Centre Energy Efficiency regroupe de nombreuses bonnes pratiques. Parfois mentionné, Greenethiquette témoignait d’engagements environnementaux de la part des hébergeurs mais a disparu au profit de référentiels plus détaillés (comme le Code of Conduct européen). 

Conclusion 

On rencontre la notion d’hébergeur écoresponsable depuis plusieurs années (notamment via la Greenethiquette) mais les critères précis sont encore en cours de réflexion (sans même parler de ce que l’on est en droit d’en attendre). Même si certaines entreprises font preuve d’une transparence très poussée sur leurs sites web (notamment via des pages dédiées), ceci ne saurait remplacer une discussion plus poussée, aussi bien pour se renseigner sur des critères manquants que pour mieux comprendre les actions déjà mises en place. Il reste donc à espérer que les hébergeurs iront vers des critères concrets pour témoigner de leurs impacts environnementaux et communiqueront dessus en toute transparence.  

Dans l’immédiat, il reste à espérer que cette grille de lecture soit utile pour ceux qui souhaitent aller vers des offres d’hébergement plus respectueuses de l’environnement mais aussi pour que chacun puisse être à même de pousser les entreprises vers des actions plus vertueuses.