Du Terrain Vert au Numérique Vert : les applications des finalistes de la ligue des champions sont-elles dans le match ?

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Le monde du football est l’un des secteurs les plus populaires et influents de notre société. Des millions de fans se rassemblent chaque semaine pour soutenir leur équipe favorite et vivre des moments de passion et d’excitation. Cependant, il est temps de prendre conscience des conséquences environnementales de cette passion dévorante. Dans cet article, nous aborderons les pratiques d’écoconception des applications des 4 clubs demi-finalistes de la ligue des champions 2022-2023.

Méthodologie de calcul

Lors de notre étude comparative des applications mobiles des 4 demi-finalistes de la ligue des champions, nous avons examiné différents aspects, tels que la taille des applications, leur compatibilité et les émissions de gaz à effet de serre (GES) provoquées par leur utilisation. Les résultats obtenus mettent en évidence des différences significatives entre les applications, soulignant ainsi l’intérêt de la mise en place d’une démarche d’écoconception.  

Tout d’abord, Il faut s’avoir que la grande majorité de l’impact environnemental d’un smartphone est dû à sa phase de fabrication. En effet, une grande quantité d’énergie et de matériaux, parfois rares, doivent être mis en jeu lors de la fabrication du produit. Par conséquent, pour réduire de manière efficace l’impact d’une application mobile, il est nécessaire de faire en sorte qu’elle ne pousse pas l’utilisateur à changer de téléphone pour obtenir une expérience utilisateur convenable. Cela passe par plusieurs critères dont voici une liste non exhaustive : 

  • Utilisation de la batterie : l’usure de la batterie est une des causes matérielles qui provoque la nécessité de devoir acheter un nouveau téléphone. Un des facteurs d’usure de celle-ci est le nombre de cycles de charges / décharges du téléphone. Il est donc nécessaire que l’utilisation de l’application ne nécessite pas trop d’énergie afin de ne pas accélérer la décharge de la batterie. 
  • Performance : ce critère correspond au temps de réponse de l’application. La nécessité de la prendre en compte se caractérise par 2 points. Premièrement, l’objectif d’une démarche d’écoconception est de permettre aux utilisateurs, qui ne souhaiteraient pas renouveler leur téléphone, d’avoir une expérience utilisateur agréable même sur de vieux appareils. En second lieu, un allongement du temps de chargement signifie une augmentation de la quantité d’électricité utilisée, et donc une usure de la batterie plus rapide. 
  • Taille de l’application : cet indicateur provoque 2 impacts différents. Premièrement, lors du téléchargement de l’application, une application avec une taille importante nécessite un échange de données plus important. Deuxièmement, un utilisateur qui souhaite conserver son téléphone longtemps peut être amener à devoir gérer des problèmes de manque de mémoire. Dans un objectif de l’encourager dans cette démarche de sobriété, il est nécessaire que la quantité de mémoire qu’utilise l’application soit la plus faible possible. Dans cet article nous allons nous focaliser uniquement sur la taille de l’application, mais une démarche de sobriété doit également être menée sur l’ensemble des données stockées sur le téléphone, comme une bonne gestion de la mémoire cache. 

Lors d’une analyse d’impact environnemental chez Greenspector, nous examinons l’ensemble de ces points pour fournir des recommandations permettant à nos clients d’avoir une vue précise de leur situation et de réduire leur impact environnemental. 

Analyses des résultats

Comparatif de la taille des applications

Tout d’abord, nous avons évalué la taille des fichiers APK des applications sélectionnées. Nous avons constaté des variations considérables dans leur taille, allant des applications légères et économes en espace, comme l’Inter Milan aux applications plus volumineuses, comme celle du Real Madrid. Ces différences peuvent avoir un impact sur la mémoire de stockage des appareils mobiles et la consommation de données lors du téléchargement et des mises à jour des applications.

La taille de l’application peut varier en fonction du téléphone. Les résultats suivants ont été obtenu avec un Samsung S10 sur Android 12.

Comparatif de la compatibilité des applications

Un autre critère essentiel que nous avons étudié est la compatibilité des applications avec différentes versions d’Android. Nous avons constaté que certaines applications étaient exclusivement conçues pour des versions plus récentes, ce qui limite leur accès pour les utilisateurs possédant des appareils plus anciens. Cette incompatibilité conduit souvent à un remplacement fréquent des appareils, ce qui peut entraîner un gaspillage des ressources naturelles et une augmentation des déchets électroniques. 

ClubVersion minimum d'Android requisePourcentage de détenteurs de téléphone Android pouvant télécharger l'application
Real MadridAndroid 6.097,9%
Manchester CityAndroid 6.097,9%
Inter MilanAndroid 7.096,2%
Milan ACAndroid 5.099,3%

Comparatif des émissions de gaz à effet de serre

Explication de notre méthodologie

Pour évaluer les émissions de gaz à effet de serre des applications, nous avons suivi une méthodologie rigoureuse basée sur des données mesurées sur téléphone réels concernant la consommation d’énergie des appareils mobile, le temps d’exécution et la quantité de données mobiles échangées. Grâce à ces données mesurées et un modèle développé par nos équipes, nous sommes en mesure de réaliser une estimation des émissions de CO2. Pour plus de détails concernant la méthodologie, une explication plus précise est réalisée dans notre article dédié.

Définition du parcours

Ces mesures ont été réalisées sur la base d’un parcours utilisateur que nous avons découpé en petites étapes. Le critère de choix de ce parcours était qu’il puisse être réalisé sur les 4 applications afin d’avoir une comparaison possible : 

Ces différentes étapes nous permettent d’avoir une vue sur plusieurs éléments classiquement présent dans une application mobile, comme une page scrollable, un élément complexe (un calendrier dans ce cas) et une vidéo. L’étape de lancement est également très importante car elle peut nous fournir des éléments de compréhension essentielle, par exemple sur la mise en cache des données ou le temps de lancement de l’application. 

Dans l’objectif d’avoir la mesure la plus fiable possible, nous réalisons un script pour automatiser l’exécution de 3 séries de tests identiques.  

Les résultats

Après avoir effectué une analyse détaillée, nous avons établi un tableau comparatif des résultats, mettant en évidence les applications les plus économes en émissions de GES et celles qui génèrent une empreinte environnementale plus importante. 

Les résultats suivants sont exprimés en tonne de CO2 équivalent. 

Les résultats obtenus montrent une grande disparité entre les applications, ce qui montre à quel point la manière de concevoir et développer une application impacte les émissions de gaz à effet de serre. Afin de rester succinct dans cet article, nous allons analyser uniquement un élément expliquant cette différence. Mais il faut avoir en tête que l’analyse peut (et doit) être poussée plus loin afin de mettre en évidence l’ensemble des points critiques des applications. 

En complément de notre étude sur les émissions de CO2, il convient de souligner que les impacts environnementaux des applications vont au-delà des seules émissions de gaz à effet de serre. Des experts, tels qu’Aurore Stéphant, Ingénieure géologue minier, ont mis en lumière d’autres aspects à considérer pour évaluer l’empreinte écologique du secteur du numérique. Dans une conférence récente, intitulée « Ruée minière au XXIè siècle : jusqu’où les limites seront-elles repoussées ?« , elle aborde des questions cruciales telles que la consommation des ressources naturelles dans la production de smartphones, l’extraction des minérais nécessaires à leur fabrication, ainsi que l’ensemble des déchets résultant de l’exploitation des mines. De nombreuses questions éthiques sont donc à prendre en considération dans notre utilisation des outils numériques.

Impact de la vidéo

Lors de notre analyse comparative, nous avons identifié un sujet expliquant en grande partie les différences d’impact environnemental : les vidéos. Les vidéos sont devenues un élément central dans de nombreuses applications, et leur consommation croissante contribue à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre du secteur du numérique. La popularité croissante des vidéos en haute résolution entraîne une utilisation intensive des ressources matérielles des appareils mobiles. Les smartphones doivent être équipés de processeurs et de batteries plus puissants pour traiter et afficher ces contenus, ce qui peut conduire à un renouvellement plus fréquent des appareils. De plus cela nécessite des serveurs pour stocker et diffuser le contenu, ainsi que des infrastructures réseau solides pour permettre un streaming fluide. Ces serveurs et infrastructures demandent des besoins matériels et énergétiques lors de leur fabrication et consomment une quantité significative d’électricité 

Dans le cas qui nous intéresse ici, nous observons les résultats suivants pour la quantité de données mobiles échangées pour chaque application : 

ClubQuantité de données mobiles échangéesTemps d'exécution du test
Real Madrid12.4 Mo3min 52s
Manchester City73.3 Mo4min 08s
Inter Milan211.3 Mo3min 57sec
Milan AC5.8 Mo4min 01s

 Si l’on prend le cas de l’Inter Milan, on se rend compte que la consommation de données de cette application est beaucoup plus importante que ses concurrentes. Plusieurs éléments expliquent cela : 

  • Non optimisation de la vidéo : les résultats de l’étape de visualisation d’une vidéo pendant 30s sont très intéressants car ils permettent de comparer les données échangées par les applications pour une vidéo unique.
  • Autoplay : fonctionnalité couramment utilisée sur les sites web et les plateformes de streaming pour lancer automatiquement des vidéos ou du contenu multimédia dès que l’utilisateur accède à une page ou à une application. Cette pratique a un impact environnemental non négligeable. L’autoplay entraîne une consommation d’énergie accrue, car les vidéos se lancent et se chargent automatiquement, même si l’utilisateur ne les regarde pas réellement. Le cas de l’application de l’Inter Milan est assez frappant en cela car pour toutes les pages où se trouvent de la vidéo, l’autoplay est activé. Cela est notamment le cas sur la page d’accueil, ce qui signifie qu’une grande consommation de données est échangée à chaque utilisation de l’application, même si l’utilisateur souhaite uniquement regarder le score d’un match.

La consommation de vidéos joue un rôle majeur dans les différences d’impact environnemental entre les applications. Les développeurs d’applications peuvent contribuer à réduire cet impact en optimisant la compression vidéo, en favorisant la diffusion en basse résolution par défaut et en encourageant une utilisation responsable des fonctionnalités vidéo. Les utilisateurs, de leur côté, peuvent adopter des pratiques de visionnage plus conscientes et limiter leur consommation de vidéos lorsque cela est possible. Une combinaison d’efforts de la part de tous les acteurs impliqués peut contribuer à une utilisation plus durable et responsable des applications mobiles.

Solutions d’optimisations de la vidéo

Heureusement, des solutions existent et une analyse plus approfondie peut permettre de réduire drastiquement l’impact des vidéos sur l’environnement. 

Une première approche consiste à optimiser la compression vidéo. En utilisant des codecs efficaces et des algorithmes de compression avancés, il est possible de réduire la taille des fichiers vidéo tout en préservant une qualité visuelle acceptable. Cela permet de réduire la demande de bande passante lors de la diffusion des vidéos, entraînant ainsi une réduction des émissions de CO2 associées à leur transmission. De plus, une gestion intelligente de la résolution des vidéos peut également contribuer à réduire l’empreinte carbone des applications.  

Parallèlement à ces mesures techniques, il est également important d’encourager une utilisation responsable des vidéos. Sensibiliser les utilisateurs à l’impact environnemental de la diffusion vidéo excessive et les inciter à adopter des pratiques telles que la limitation du streaming en arrière-plan et la réduction de la résolution lorsqu’une haute qualité n’est pas nécessaire, peut avoir un effet significatif sur la réduction des émissions de CO2. 

Finalement, en combinant des solutions techniques et des pratiques responsables de la part des utilisateurs, il est possible de réduire considérablement l’impact environnemental des vidéos dans les applications mobiles. Il est essentiel que les développeurs, les fournisseurs de contenu et les utilisateurs travaillent ensemble pour favoriser une utilisation plus durable et responsable de cette fonctionnalité populaire et omniprésente. En agissant de manière collective, nous pouvons préserver la qualité de nos expériences numériques tout en minimisant notre impact sur l’environnement.

Conclusion

Les demi-finalistes de la Ligue des Champions 2023, à savoir le Real Madrid, l’AC Milan, l’Inter de Milan et Manchester City, doivent prendre en considération l’impact environnemental de leurs activités. Alors que ces clubs bénéficient d’une renommée mondiale et d’une base de fans passionnés, il est essentiel de reconnaître l’empreinte écologique associée à leurs opérations, y compris l’utilisation d’applications mobiles. Cependant, il est encourageant de constater que des solutions existent pour améliorer cette situation. En comprenant mieux ces aspects, nous pouvons identifier des opportunités de réduction de l’empreinte écologique tout en améliorant l’expérience utilisateur. Nous sommes prêts à accompagner ces clubs dans leur démarche vers une plus grande durabilité environnementale. Ensemble, nous pouvons développer des stratégies adaptées, mettre en œuvre des pratiques innovantes et promouvoir une prise de conscience environnementale auprès des supporters. L’objectif étant de créer une véritable synergie entre le sport et la protection de notre planète.

Acteurs du monde du sport, mesurez l’empreinte écologique de votre application dès maintenant et prenez des mesures concrètes pour réduire votre impact environnemental. Ensemble, marquons des buts pour la durabilité et préservons notre sport et notre planète.

Pour chaque site et chaque application, mesurés sur un Samsung Galaxy S10 (Android 12), les mesures ont été réalisées à partir de scripts utilisant le langage GDSL (Greenspector Domain-Specific Language). Ce langage permet d’automatiser des actions à réaliser sur un téléphone. Les mesures ont été réalisées entre le 3 et 5 mai 2023.

Chaque mesure est la moyenne de 3 mesures homogènes (avec un écart-type faible). Les consommations mesurées sur le smartphone donné selon un réseau de type wifi peuvent être différentes sur un PC portable avec un réseau filaire par exemple. Pour chacune des itérations sur les sites internet, le cache est préalablement vidé.

Côté projection de l’empreinte, les paramètres pris en compte pour réaliser ces classements sont :

  • Ratio de visualisation : 100% Smartphone, 0% tablette, 0% PC
  • Localisation des utilisateurs : Mondiale
  • Localisation des serveurs : 100% Monde

Le nombre d’utilisateur considéré pour le calcul est de 100 000 personnes par jour.