Quel est l’impact environnemental des jeux sur mobile en 2023 ?
Précédemment, nous vous avions proposé des classements des jeux vidéo sur mobile :
- https://greenspector.com/fr/jeux-video-sur-mobile/
- https://greenspector.com/fr/classement-des-meilleures-applications-et-jeux-android-2019-par-greenspector/
Depuis le dernier en date (début 2020), les téléchargements et revenus ont augmenté considérablement. Aujourd’hui, les jeux sur mobile représenteraient la majeure partie des revenus du jeu dématérialisé (source : https://www.statista.com/topics/1680/gaming/#topicOverview [EN]), avec notamment des hausses sans précédent au cours de la pandémie (source : https://www.statista.com/statistics/511639/global-mobile-game-app-revenue/ [EN]).
Si l’on regarde les jeux sur mobile les plus téléchargés en 2022, on obtient le classement suivant :
Source : https://www.statista.com/statistics/1285134/top-downloaded-gaming-apps-worldwide/ [EN]
Nom | Nom package | Version |
---|---|---|
Subway Surfers | com.kiloo.subwaysurf | 3.16.1 |
Stumble Guys | com.kitkagames.fallbuddies | 0.54 |
Roblox | com.roblox.client | 2.589.593 |
Candy Crush Saga | com.king.candycrushsaga | 1.259.0.1 |
Race Master 3D | com.easygames.race | 4.0.4 |
8 Ball Pool | com.miniclip.eightballpool | 5.13.3 |
FIFA Mobile | com.ea.gp.fifamobile | 18.1.03 |
Merge Master - Dinoasaur game | com.fusee.MergeMaster | 3.11.0 |
Garena Free Fire | com.dts.freefireth | 1.100.1 |
Bridge Race | com.Garawell.BridgeRace | 3.23 |
La première chose que l’on remarque par rapport au précédent classement des jeux sur mobile est qu’on retrouve trois jeux : Subway Surfers, Candy Crush Saga et 8 Ball Pool. En termes de téléchargements, Subway Surfers reste en première place du classement.
En regardant les dépôts d’APK, on note que la fréquence de sortie d’une nouvelle version de l’APK est très variable : au maximum une tous les 15 jours environ pour Candy Crush Saga ou Race Master 3D, au moins une par semaine pour Roblox. Ces mises à jour ont évidemment un impact environnemental. Pour des raisons de simplicité, nous allons ici nous concentrer sur l’impact du leur usage en nous mettant dans les conditions d’un premier lancement du jeu. L’unité fonctionnelle serait donc : “lancer une partie du jeu pour la première fois, sur un appareil mobile Android de milieu de gamme et en WIFI”.
Ceci nous permettra d’évaluer les impacts environnementaux de ces jeux afin de les comparer.
Le saviez-vous ?
En 2021, Google a commandé et publié une étude sur l’avenir des jeux sur mobile (https://games.withgoogle.com/reports/beyondreport/ [EN]).
Si l’intention première était d’évaluer la hausse à venir des revenus engendrés par les jeux sur mobile, il en ressort quelques faits intéressants :
- Plus de la moitié des joueurs sur mobile sont des joueuses
- 73% des joueurs dépensent de l’argent dans ces jeux
- La majorité des joueurs sont en Asie et dans la zone Pacifique
Méthodologie
Définition du parcours utilisateur
Pour la mesure, il était indispensable mais difficile de définir un parcours utilisateur commun à l’ensemble des jeux. Comme indiqué plus haut, la réponse évidente pour nous était un parcours de lancement de l’application puis de lancement d’une partie. Il se trouve que les choses se sont vite compliquées.
Pour la plupart des jeux étudiés, le premier lancement comprend plusieurs écrans intermédiaires :
- Recueil du consentement relatif au RGPD
- Saisie de l’âge du joueur
- Recueil du consentement lié aux publicités
- Création d’un profil ou rattachement à un compte sur un service tiers (Google, Facebook, etc). A ce titre, il serait intéressant ultérieurement d’analyser plus en détail les services tiers utilisés dans chaque jeu.
- Chargement de mises à jour du contenu
Si les trois premiers éléments de la liste ne sont renseignés qu’une seule fois, la mise à jour de contenu peut intervenir inopinément et indépendamment de la mise à jour de l’APK.
Le rattachement à un compte Google a rendu l’automatisation du jeu Bridge Race trop complexe par rapport au temps que nous avions décidé de consacrer à cette étude, ce qui a poussé à sortir le jeu de l’échantillon étudié ici. En particulier, nous avons constaté des différences de comportement lors du rattachement du profil Google selon le terminal utilisé. Par la suite, nous verrons pour proposer une étude complémentaire s’appuyant directement sur les impacts d’une minute de jeu, via l’outil Freerunner de Greenspector.
Au final, nous avons tout de même essayé d’automatiser pour chaque jeu le parcours suivant :
Étape 1 : Lancement de l’application
Étape 2 : Chargement de l’écran titre
Étape 3 : Lancement d’une partie
Entre ces étapes mesurées se sont parfois intercalées des actions de validation de consentement ou de connexion qui n’ont pas été mesurées car absentes de certaines applications. La grande quantité d’éléments à cliquer et d’écrans intermédiaires lors du premier lancement du jeu ont empêché d’aller jusqu’au lancement d’une partie pour FIFA Mobile. Les mesures et calculs présentés ici sont donc en-dessous de la réalité mais ont été conservés afin de mettre en évidence d’autres éléments.
Dans le cadre de cette étude, les données ont été mesurées entre le 11 et le 16 août 2023 à l’aide de Greenspector Studio. Nous avons utilisé le langage GDSL (Greenspector Domain-Specific Language) pour rédiger des scripts de test, qui reproduisent automatiquement les actions à effectuer sur un téléphone. Le module Testrunner nous a ensuite permis de réaliser les mesures sur un smartphone Android : nous avons ainsi obtenu les consommations d’énergie et de ressources (mémoire, CPU, données échangées) et les temps de réponse pour chacune des étapes du parcours. Enfin à partir de ces mesures, le modèle d’impacts intégré à Greenspector Studio évalue l’impact environnemental correspondant ainsi que les ecoscores. Pour rappel, dans le cas d’une mesure de parcours utilisateur, l’Ecoscore global se décompose en trois Ecoscores : Performance, Données mobiles et Energie. Chacun est noté entre 0 et 100, 100 étant le meilleur score. Chacun de ces scores s’obtient à partir des notes obtenues par chaque étape de mesure, celles-ci dépendant de seuils. Par exemple, dans le cas des données mobiles pour les étapes de chargement :
Hypothèses
Lors de cette évaluation, nous sommes partis d’un premier lancement de l’application. Ceci représente forcément un parcours plus impactant que pour les utilisations ultérieures mais permet de se faire une meilleure idée du fonctionnement du jeu. A noter que, lors de l’utilisation du jeu, il y aura également souvent des mises à jour régulières qui seront elles aussi impactantes.
Contexte de mesure
- Samsung Galaxy S9, Android 10
- Réseau : Wi-Fi
- Luminosité : 50%
- Tests réalisés sur au moins 3 itérations pour fiabiliser les résultats
Hypothèses retenues pour les projections environnementales
- Localisation des utilisateurs : 100% Monde
- Localisation des serveurs : 100% Monde
- Appareils utilisés : smartphones uniquement
L’empreinte environnementale dépend de la localisation des serveurs de l’application, de leur type, de la localisation des utilisateurs et du type d’appareils qu’ils utilisent. Nous avons étudié l’usage des applications uniquement sur smartphone. Nous sommes également partis du principe que les utilisateurs sont très majoritairement en-dehors de la France, de même que les serveurs.
Résultats
Nom | Taille APK (Mo) | Données échangées (Mo) | Décharge totale de la batterie (mAh) |
---|---|---|---|
Subway Surfers | 177,1 | 5,3 | 18,3 |
Stumble Guys | 198 | 46,4 | 44,9 |
Roblox | 160,8 | 17 | 15,4 |
Candy Crush Saga | 92,2 | 12,1 | 22,3 |
Race Master 3D | 182,6 | 33,2 | 17,1 |
8 Ball Pool | 89,9 | 0 | 7,8 |
FIFA Mobile | 180,4 | 161,5 | 34,3 |
Merge Master - Dinoasaur game | 175 | 26,1 | 24,5 |
Garena Free Fire | 400,8 | 5,7 | 19,8 |
Bridge Race | 170,9 |
Tout d’abord, on constate que les APK pour un premier téléchargement font majoritairement entre 160 et 200 Mo, ce qui est déjà très conséquent. Seuls Candy Crush Saga et 8 Ball Pool sont en-dessous avec autour de 90 Mo. Pour Free Fire, on monte à 400 Mo !
La durée des usages serait d’un peu plus de 20 min par jour si l’on en croit cette étude de Statista : https://www.statista.com/statistics/1272891/worldwide-game-apps-time-spent-daily-age/ [EN]. L’impact de l’installation et des mises à jour, dans l’hypothèse d’une utilisation quotidienne ou presque, a donc été laissé de côté dans la présente étude. Il est toutefois possible que, dans le cas d’un jeu qui ne serait utilisé que de façon sporadique dans le temps, les mises à jour soient plus impactantes que l’utilisation. Le risque pour l’éditeur du jeu est, dans ce cas, de voir l’utilisateur se désintéresser du jeu. La mise à jour de l’APK peut être gérée au quotidien comme pour les autres applications mobiles mais, ici, c’est la mise à jour du contenu lors du lancement du jeu qui peut devenir problématique. Comme nous l’évoquerons plus loin, tout est fait pour inciter à jouer quotidiennement.
Au niveau des données transférées pour le premier lancement du jeu, la plupart des jeux demandent quelques Mo supplémentaires. Seul 8 Ball Pool ne demande pas de transfert de données. Inversement, FIFA Mobile, Stumble Guys, Race Master 3D et Merge Master nécessitent le téléchargement de quelques dizaines de Mo. En particulier, FIFA Mobile impose de télécharger plus de 160 Mo, ce qui correspond notamment à la mise à jour du contenu en fonction de l’actualité sportive. Ceci constitue une valeur ajoutée mise en avant par l’éditeur mais une mauvaise pratique du point de vue de la sobriété. Il faudrait dans un premier temps voir comment réduire techniquement la taille des informations nécessaires et, dans l’idéal, limiter la fréquence de rafraîchissement et l’exhaustivité des informations.
Ces transferts de données conséquentes sont souvent corrélés avec des performances dégradées. Ainsi, pour Stumble Guys et FIFA Mobile, il faut parfois attendre 1 à 2 min pour que s’affiche l’écran qui permet de lancer le jeu. Pour la moitié des jeux, le simple lancement de l’application prend entre 10 et 20s, ce qui est particulièrement long. Pour Roblox, le chargement de l’écran titre (sélection des parties) est rapide, le chargement de contenu étant effectué après sélection de la partie (et généralement assez long). Le lancement le plus long est pour 8 Ball Pool mais, pour ce jeu, aucune donnée n’est transférée et l’impact sur la batterie est relativement faible (en particulier grâce à la faible quantité d’animations). Ce jeu est en définitive celui avec les meilleurs scores. Plus généralement, les scores obtenus sont les suivants :
On constate que 8 Ball Pool est le jeu avec les meilleurs scores, notamment en raison de ce que l’on vient d’évoquer (peu d’animations, pas de données transférées). En cela, son fonctionnement au lancement se rapproche plutôt de ce que j’aurais tendance à rapprocher des jeux sur mobile “à l’ancienne” : des jeux hors-ligne et relativement simples (sans pour autant aller jusqu’à Snake et autres jeux similaires). A noter que, une fois l’on-boarding de 8 Ball Pool terminé, on revient sur un fonctionnement plus classique avec notamment du jeu en ligne par défaut, ce qui nécessiterait d’être mesuré par ailleurs.
En comparaison, les autres jeux sont moins bien notés. Seuls Race Master 3D et Subway Surfers sortent un peu du lot. Il en ressort que les jeux étudiés ici ont des scores au mieux autour de la moyenne, à quelques rares exceptions près. Tout ceci peut indiquer des soucis d’efficience ou de sobriété mais est plus probablement à imputer à la nature même de ces applications : de l’animation, des échanges de données mais aussi souvent des mécanismes captologiques à foison. Nous y reviendrons plus tard.
Pour ce qui est des impacts environnementaux, les calculs aboutissent aux résultats suivants :
Nom | Emissions GES en gCO2e | Eau consommée en L | Occupation des sols en cm2 |
---|---|---|---|
Subway Surfers | 1,1 | 0,1 | 1,3 |
Stumble Guys | 6,5 | 0,6 | 3,6 |
Roblox | 2,5 | 0,2 | 1,6 |
Candy Crush Saga | 1,9 | 0,2 | 1,6 |
Race Master 3D | 4,4 | 0,4 | 1,9 |
8 Ball Pool | 0,2 | 0 | 0,6 |
FIFA Mobile | 20,1 | 1,6 | 6,1 |
Merge Master - Dinoasaur game | 3,8 | 0,4 | 2,4 |
Garena Free Fire | 1,1 | 0,1 | 1,3 |
Les impacts élevés sont ici corrélés à des constats effectués précédemment, en particulier des chargements de données importants qui provoquent une dégradation de la performance et de l’impact sur la batterie du terminal. On retrouve donc pour les impacts les plus élevés FIFA Mobile (très loin devant les autres) mais aussi Stumble Guys et Merge Master. Sans surprise, 8 Ball Pool est là aussi le jeu le moins impactant.
Analyse
Les mesures effectuées font ressortir certains choix de design qui viennent directement augmenter les impacts environnementaux.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, la longueur des parcours d’onboarding met souvent en évidence trois soucis corrélés : la récolte de données personnelles, la publicité et plus généralement les mécanismes captologiques. Pour rappel, ces derniers visent à faire passer à l’utilisateur le plus de temps possible sur l’application et se retrouvant dans quantité d’applications mais aussi de sites web. Entre autres, les Designers Ethiques s’intéressent beaucoup à cette question. Mais intéressons-nous plus en détail au cas des jeux étudiés ici.
Le consentement RGPD, celui relatif aux publicités (et parfois la saisie de l’âge) ont pour but d’encadrer un minimum l’affichage, au cours du jeu, de publicités. Il s’agit là bien sûr d’une source de revenus pour les éditeurs de jeux. Celles-ci sont plus ou moins intrusives. Souvent, il est ainsi proposé au joueur de regarder une vidéo publicitaire pour débloquer des récompenses ou pouvoir continuer à jouer. Parfois, il est possible d’acheter le jeu afin de se débarrasser de ces publicités. Le niveau d’attention du joueur le rend plus sensible à ce type de suggestion. Ceci est lié aux mécanismes captologiques.
Dans le domaine du design (et en particulier de conception des interfaces et interactions utilisateur), on parle depuis plusieurs années déjà de gamification. Il s’agit d’introduire des mécaniques issues des jeux afin de renforcer l’adhésion de l’utilisateur et rendant l’expérience plus ludique. Ceci n’est pas anodin dans la mesure où certains jeux sont très forts pour ce qui est de capter et faire revenir les joueurs. Mais aussi (en poussant la logique un peu plus loin) pour leur faire dépenser leur argent.
Pour prendre l’exemple (parmi tant d’autres) de Candy Crush Saga, il serait facile de proposer ce jeu sous une forme limitée au jeu lui-même : enchaîner des niveaux plus ou moins difficiles avec pour objectif de faire disparaître des bonbons ou embûches. Les règles et obstacles sont simples et constituent le noyau du jeu en tant que tel. Ici, différents artifices viennent s’ajouter :
- Des couleurs vives, effets visuels et sons pour venir augmenter l’impact des actions de l’utilisateur. On parle ici de feedback.
- Des ressources limitées (vies, bonus, etc) pour créer le besoin et surtout le manque. Souvent, il est possible de compléter ces ressources en regardant des vidéos ou en dépensant de l’argent (virtuel ou non).
- Des jauges (niveau ou autre), des trophées, des récompenses, des avatars et des scores pour chercher à faire toujours mieux et pouvoir se comparer avec les autres. Ce qui nous amène à un autre élément important de la gamification mais aussi de la captation de l’attention :
- Le lien social : voir ce que font les autres, se comparer avec eux, leur permettre de voir ce qu’on fait. De même que pour les réseaux sociaux (et souvent via une connexion avec ceux-ci), cette mécanique pousse à jouer davantage voire mieux mais crée aussi de l’attachement au jeu via le lien avec d’autres joueurs. Ceci se fait via du jeu en ligne ou la création de connexions avec des réseaux sociaux (pour partager les résultats obtenus, trouver des joueurs, etc).
- De l’aléatoire pour créer la dépendance (de façon analogue aux machines à sous). Corrélé aux ressources limitées, ce facteur se manifeste sous la forme de récompenses aléatoires, parfois sous la forme de loot boxes (https://medium.com/behavior-design/hooked-on-loot-boxes-how-design-gets-us-addicted-79c45faebc05 [EN]). Ceci devrait de plus en plus donner lieu à l’évolution du cadre légal à des fins de régulation : https://www.gamesindustry.biz/european-parliament-votes-to-take-action-against-loot-boxes-gaming-addiction-gold-farming-and-more [EN]
Tout ceci contribue à la motivation du joueur, en particulier via un subtil équilibre de sa frustration à travers deux états que le joueur va (consciemment ou non) chercher à atteindre :
- Le flow : état de concentration du joueur où les objectifs s’enchaînent de façon fluide. C’est typiquement la période où l’on ne voit pas le temps passer. C’est aussi, en conséquence, ce qui peut pousser le joueur à investir (du temps, des ressources virtuelles, de l’argent réel) pour maintenir cet état et ne pas être frustré.
- Le fiero : état de satisfaction lié au fait d’avoir surmonté un obstacle particulièrement redoutable (dans du jeu vidéo non-mobile, il s’agit ici d’une des mécaniques de base de ce que l’on appelle parfois les Souls-like : des jeux mettant l’accent sur la maîtrise par les joueurs afin de proposer un challenge très élevé).
La conception du jeu s’articule souvent autour de ces deux états, directement ou non (augmentation progressive de la difficulté, récompenses, etc). Ce subtil équilibre va être crucial pour la qualité d’un jeu et surtout de l’expérience de jeu mais aussi, pour les éditeurs, pour le temps passé sur le jeu et l’argent dépensé par les joueurs. Ce qui peut parfois amener à des impacts environnementaux plus élevés.
Directement, en incitant les joueurs à passer le plus de temps possible sur le jeu et en s’appuyant sur du jeu en ligne et des liens avec les réseaux sociaux, en affichant de la publicité et en concevant des interfaces très denses en informations et effets visuels.
Indirectement, en incitant à la consommation (dépenser de l’argent) mais aussi à la surconsommation (vouloir toujours plus et générer de la frustration). Ceci induit donc des comportements peu écoresponsables et à l’encontre d’une logique de sobriété.
A noter que l’industrie du jeu vidéo prend de plus en plus conscience de ses impacts environnementaux.
Polygon, notamment, s’était intéressé au sujet : https://www.polygon.com/features/22914488/video-games-climate-change-carbon-footprint [EN]
Cette prise de conscience donne souvent lieu à des actions mais aussi à du greenwashing (exemple : https://www.ouest-france.fr/high-tech/jeux-video/ecologie-le-secteur-du-jeu-video-fait-il-du-greenwashing-355c56fc-0c3d-11ee-8e71-2cd44afe92ef?utm_source=pocket-newtab-bff).
Pour autant, de plus en plus de ressources pertinentes apparaissent sur le sujet : https://playing4theplanet.org/resources [EN]. Certains fabricants s’intéressent à l’impact du matériel, tandis que des éditeurs cherchent à évaluer leurs impacts environnementaux. Le renouvellement régulier des machines et les cadences de sortie des jeux sont en soi problématiques. Le jeu en ligne et la dématérialisation n’arrangent pas nécessairement les choses. Voir à ce propos l’étude de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) sur la dématérialisation des services culturels. De façon similaire à ce que l’on peut observer par exemple pour les sites web, des optimisations sont possibles (efficience) mais l’enjeu est surtout celui de la sobriété (à l’inverse de la surenchère des jeux à monde ouvert). Des enjeux plus généraux sont également à prendre en compte :
- En quoi le jeu vidéo peut encourager des comportements plus écoresponsables ; https://usbeketrica.com/fr/article/si-notre-smartphone-avait-une-conscience-est-ce-qu-on-le-remplacerait-aussi-facilement
- Comment le jeu vidéo peut mettre en œuvre des systèmes qui n’incitent pas à la surenchère (logique d’accumulation, course à la puissance, etc)
- Comment renforcer notre lien à la nature ? Comment introduire autre chose que des mécaniques de jeu basées sur l’accumulation voire la compétition ? Comment mettre en scène des futurs possibles (exemple : The Climate Trail [EN]) voire souhaitables ?
Conclusion
Les jeux mobiles font partie du quotidien de nombreuses personnes, ce qui rend l’étude de leurs impacts environnementaux d’autant plus essentielle (même si d’autres domaines du Numérique Responsable restent concernés comme l’économie de l’attention, l’accessibilité et la gestion des données personnelles). Même si des optimisations techniques restent à envisager, le nœud du problème réside dans leur conception et les comportements induits (avec entre autres le risque de créer de la dépendance voire de présenter des risques financiers pour les joueurs).
Le jeu vidéo en général pourrait et devrait devenir un levier pour une prise de conscience des enjeux autour de l’écologie. De même que pour l’accessibilité, la démarche a été amorcée par certains et il sera intéressant de voir comment cela évolue face à l’urgence des enjeux.
Laurent Devernay Satyagraha est consultant expert chez Greenspector depuis 2021. Il intervient également en tant que formateur, conférencier mais aussi contributeur sur les Web Sustainability Guidelines du W3C, le GR491 de l’INR, les 115 bonnes pratiques de greenit.fr et divers groupes de travail notamment autour du RGESN.