TechForGood ou GoodForTech ?
Il a été beaucoup question avant et pendant cet évènement Viva Technology 2018 de la notion de #TechForGood. L’idée ? Encourager les « géants de la tech » (et les moins géants) à contribuer, via leurs solutions technologiques, à la réalisation de progrès sociétaux ou environnementaux.
Bien. Comment ne pas être d’accord avec cette ambition ? Quitte à produire des solutions innovantes, autant espérer qu’elles puissent servir des bonnes causes plutôt que des intérêts douteux ou… pas d’intérêt du tout (cf. plein de vidéos de chatons, et vous compléterez avec votre propre liste de trucs absolument inutiles basés sur des technologies qui étaient encore de la science-fiction il y a 10 ans).
Mais laissons là les chatons, et revenons à nos moutons numériques. L’appellation « TechForGood » peut sembler nouvelle, mais le concept qu’elle recouvre ne l’est pas. L’idée était déjà connue des initiés sous le nom de « IT for Green », la question étant : comment l’informatique peut-elle contribuer à un monde plus « vert », au sens général de plus responsable, plus durable, plus vivable ?
Notons que cette notion est aussi incluse dans le terme plus courant et plus vaste de « Green IT », traduit en français par « éco-TIC », ce qui recouvre à la fois le « IT for Green » et son reflet le « Green for IT » dont nous reparlerons plus bas.
Il y a des impacts positifs
Les exemples d’effets positifs des nouvelles technologies ne manquent certes pas. Prenons une application de covoiturage : grâce à elle, des particuliers partagent leur véhicule au lieu de se déplacer séparément. Ce sont donc des millions de kilomètres en voiture qui sont économisés, ce qui réduit les émissions de gaz à effet de serre (rq : c’est juste un exemple simple, je laisse volontairement de côté les discussions sur un possible effet rebond).
Autre exemple, le thermostat connecté : en pilotant précisément et juste au bon moment la chaudière de mon logement, le thermostat va engendrer des économies d’énergie. Youpi, jusqu’ici tout va bien.
Mais aussi des contreparties
Mais si la technologie a parfois des effets positifs, on oublie souvent qu’elle a aussi des contreparties. Combien de dizaines de serveurs pour faire fonctionner le service de covoiturage ? Quel est l’impact de l’application mobile sur la durée de vie de mon smartphone ? Comment ont été extraits les minerais rares qui ont servi à fabriquer les puces dans mon thermostat ?…
Derrière les technologies « dématérialisées » se cachent en effet des matériels bien réels (serveurs, baies de disques, équipements réseau, box, smartphone, capteurs en tous genres…) qui ont chacun demandé beaucoup de ressources et d’énergie pour leur fabrication, qui consomment de l’électricité pour fonctionner, et dont il faudra se débarrasser d’une manière ou d’une autre lorsqu’ils seront obsolètes.
Les impacts environnementaux sont évidents. Au plan sociétal, mentionnons seulement les conditions de travail dans les usines qui fabriquent ces bijoux, et qui auraient de quoi effrayer les consommateurs desdits gadgets s’ils prenaient seulement deux minutes pour y réfléchir entre deux parties de CandyCrush.
Or la tendance n’est pas à la baisse de ces impacts. Les matériels consomment de moins en moins d’énergie, mais ils se multiplient à une telle vitesse que globalement, la consommation d’électricité augmente rapidement. Quant aux ressources naturelles nécessaires, elles ont tendance à s’épuiser… comme les enfants qui travaillent dans les mines par exemple.
Mention : peut mieux faire
Il est donc nécessaire – et de plus en plus urgent – d’encourager les innovations sur ce domaine, qu’on connaissait jusqu’à présent sous le nom de « Green for IT » et qu’on pourrait appeler désormais pourquoi pas #GoodForTech : comment faire en sorte que les nouvelles technologies aient le moins d’impact possible sur l’environnement et sur la société ?
Parmi les défis à relever : prolonger la durée de vie des matériels, assurer des conditions de travail décentes dans les usines, pratiquer l’écoconception des matériels et des logiciels, développer des filières de recyclage performantes… Pour les acteurs du monde informatique, le changement peut signifier une refonte stratégique complète… Quant aux consommateurs que sont les entreprises et les particuliers, ils ont un rôle déterminant à jouer par les évolutions de leurs comportements d’achat. La route est longue mais certains pionniers montrent l’exemple.
Alors, TechForGood ou GoodForTech ? Les deux, évidemment.
Alors faut-il encourager la tendance #TechForGood ? Oui, certainement. Mais si on ne veut pas que les coûts cachés de nos technologies dépassent les bénéfices visibles qu’elles nous apportent, alors il est nécessaire que la Tech, qu’elle soit « ForGood » ou pas, intègre dans sa conception et dans son fonctionnement les notions essentielles du #GoodForTech.
Thomas CORVAISIER est directeur général de GREENSPECTOR. Après une formation d’ingénieur, il a réalisé un parcours de plus de 15 ans en conseil auprès de grands comptes français et internationaux d’abord autour de la production des systèmes d’informations et l’organisation des DSI, puis sur des problématiques de responsabilité sociale et environnementale (comptabilité carbone, management environnemental, Green IT).